- les grèves de 1888 des terrassiers de la ligne de chemin de fer de Limoges à Brive

Tout avait commencé à Paris par une très dure grève des terrassiers engagés dans les grands travaux de la capitale, au début du mois d'août 1888. Le journal L'Illustration en avait largement rendu compte, et publié des gravures des événements. Car si la photographie existait déjà, la presse n'était pas en mesure de reproduire les clichés dans ses pages. La méthode pour informer le lecteur par l'image consistait donc à publier des gravures souvent établies à partir de photographies originales.   
                                 

Le rendu était excellent, ainsi que vous allez
pouvoir en juger à trois reprises dans cette page.


                    Grévistes renversant des tombereaux lors d'une                            manifestation, rue de Lamothe-Piquet à Paris                                (L'Illustration n° 2372 du 11 août 1888)  ===>
                        (Doc. delcampe.net)        

Les terrassiers parisiens tenteront tout d'abord d'entraîner d'autres corporations de la capitale dans la grève : les charretiers, les cochers, les garçons limonadiers, ... Puis le mouvement gagnera la province. C'est ainsi que le gigantesque chantier de construction de la ligne de chemin de fer entre Limoges et Brive sera touché.

L'Illustration abordera le sujet dans ses numéros 2376 du 8 septembre, et 2380 du 6 octobre 1888.
On aurait aimé que le rédacteur évoque le détail des travaux en cours, ainsi que les conditions de travail des ouvriers. Visiblement il n'était pas partisan des grévistes, et limitera ses propos en le faisant largement savoir.

Voici cependant le texte intégral des deux articles, accompagné des gravures qui les illustrent, qui nous mèneront de Vigeois à la banlieue d'Allassac.

L'Illustration n° 2376 du 8 Septembre 1888 (Col. JPC)

"La grève des terrassiers de Paris a eu un contre-coup en province. Les terrassiers employés à la construction du chemin de fer de Limoges à Brives ont quitté leurs chantiers le 29 août dernier et, depuis ce jour, ils s'en vont par les chemins, drapeaux en tête, apparaissant tour à tour dans les villes et villages de la contrée.
Notre dessin représente une de leurs excursions à Vigeois, où les chantiers étaient en pleine activité.  Les cheminauds [sic] se sont groupés autour des drapeaux tricolores portés sur les marches de l'église par quelques-uns des leurs. Ils sont accompagnés de joueurs de binious. Dans quelques endroits, ils ont obligé des ouvriers à quitter le travail, mais la présence des troupes envoyées de Limoges les a contraints à rentrer dans le calme. Il y a une certaine naïveté dans ce mouvement que conduit un terrassier surnommé Le Parisien et qui s'appelle Godet. Les ouvriers, qui sont tous du pays, lui ont donné leur confiance et, lorsqu'il pérore au milieu d'eux, c'est avec une attention et un respect tout à fait candide qu'ils l'écoutent.
Les grévistes réclament une augmentation du prix de l'heure de travail".

Vigeois : les terrassiers du Chemin de Fer en grève, sur les marches de l'église (Doc. JPC)


L'Illustration n° 2380 du 6 octobre 1888
(Col. JPC)

"Une des grèves les plus curieuses de cette année, malheureusement si féconde en grèves de toutes sortes, aura été, sans contredit, celle des cheminauds [sic] occupés aux travaux de terrassement du chemin de fer de Limoges à Brive. Dans un de nos derniers numéros, nous faisions ressortir la naïveté et l'étrangeté du caractère des grévistes qui montraient un goût particulier pour les promenades sans objet bien déterminé. Un certain nombre d'entre eux s'étant, depuis, remis au travail, les grévistes se sont reformés en bandes avec l'intention bien arrêtée cette fois de contraindre leurs camarades à se remettre en grève. Ils ont ainsi donné lieu à des épisodes dont notre gravure reproduit, de façon saisissante, les piquants contrastes.
On avait dû appeler, près d'Allassac, des soldats pour garder un chantier où peinaient seulement une douzaine de terrassiers, de sorte que ce déploiement de tout l'appareil de la force publique , pour la sauvegarde d'un groupe insignifiant d'ouvriers, formait un spectacle d'une incontestable originalité. Il va sans dire que dragons et fantassins, avec leurs officiers renforcés du procureur de la République, du juge d'instruction, etc..., passaient la plus grande partie de leur temps à regarder de la cime de la tranchée où les faisceaux étaient formés, ou de la plate-forme de la voie en cours d'exécution les quelques cheminauds [sic] au travail, que des grévistes auraient pu tenter de débaucher.
Si étrange qu'il paraisse, on est forcé de reconnaître que ce déploiement de forces n'était pas sans raison, étant donné les idées en honneur parmi les grévistes, qui se réclament de la liberté, tout en étant les premiers à vouloir, par la violence, forcer leurs collègues à ne pas travailler".

Près d'Allassac, les terrassiers non grévistes travaillent sous la protection de l'armée (Doc. JPC)

Le plus intéressant dans notre page n'est pas forcément le texte du journal, mais les gravures, et plus particulièrement encore la deuxième ligne de la légende d'origine qui figure au bas de la dernière : "D'après une photographie de M. J.-B. Beynié, à Brives".

Car c'est bien Jean-Baptiste Beynié, photographe avenue Charles Rivet à Brive de 1878 à 1906 qui est l'auteur du cliché reproduit dans le journal. Plus encore : nous avons retrouvé le cliché d'origine, mis en vente en 2013 sur Internet. Nous avons alors tenté de l'acquérir, mais il nous a échappé. Le voici quand même :

(Doc. delcampe.net)

On remarquera dès lors la précision et la fidélité du travail du graveur en ce qui concerne les paysages. On notera toutefois quelques différences de détail dans le positionnement des personnages. A moins que l'artiste n'ait utilisé comme modèle un autre cliché de Mr Beynié, pris à quelques secondes de celui que nous vous présentons.

Quoi qu'il en soit, l'authentification du dernier document figure à son verso :

(Doc. delcampe.net)




1888 : LA FIN DE LA GRÈVE DES TERRASSIERS





(Extrait de l'hebdomadaire La République
n° 1922 du 19-10-1888 - AD 19 cote 62Pr 6)
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