- Poincaré : de La Courtine à Tulle

 
Journée du jeudi 11 Septembre 1913

C'est la première journée du séjour du Président Poincaré en Corrèze. Le départ est prévu de La Courtine en Creuse à 8 H. C'est là que le préfet de la Corrèze est venu se mettre à la disposition du Président. Les localités traversées sont les suivantes : Saint-Rémy, Ussel (arrêt de 15 minutes), Bort (arrêt de 10 minutes), Pont suspendu de Vernéjoux sur la Dordogne, Sérandon, Neuvic (arrêt de 10 minutes), Latronche, Soursac, Lapleau (arrêt de 60 minutes pour le déjeuner), Saint-Merd-de-Lapleau, Marcillac-la-Croisille, Saint-Martin-la-Méanne, Saint-Martial-Entraygues, Argentat (arrêt de 10 minutes), pont suspendu du Basteyroux sur la Maronne, La-Chapelle-Saint-Géraud, Beaulieu (arrêt de 25 minutes), Nonards, Tudeils, Sainte-Fortunade, arrivée à Tulle à 18 heures.

Soit un parcours de 219 kilomètres, effectué à une vitesse moyenne théorique de 24,300 km/h.

Un document officiel de travail indique : "Si on avait eu le temps, une variante aurait été utilement établie entre Soursac et Lapleau pour la traversée en tramway du pont Gisclard sur la Luzège; mais cette variante ferait perdre une demi-heure et retarderait d'autant l'arrivée à Tulle". Un autre document précise : "La question de la traversée du pont de La Luzège en chemin de fer est réservée. Une notification ultérieure sera faite à ce sujet)". Pourtant, le Président prendra bien le chemin de fer entre Soursac et Lapleau. Ce qui sera aussitôt considéré comme l'inauguration officielle du viaduc des Rochers Noirs.

(D'après le dossier coté 1M 99 aux Archives départementales de la Corrèze)

De nombreux arrêts non prévus au programme seront observés par le cortège présidentiel en cours de trajet, parfois même sans que le Président descende de voiture, tenu qu'il était de respecter le plan de marche établi. Ce sera le cas, par exemple, à Sainte Fortunade.


Le départ de La Courtine

A six heures précises, le clairon égrène ses jolies notes qui rappellent que l'heure du sommeil est passé : « Soldat, lève-toi bien vite !... » Après avoir sonné sous les fenêtres du Président, le clairon semble éprouver un regret. Il fait demi-tour, revient une seconde fois sous le pavillon présidentiel, joint les talons, se campe et se redresse, et met son âme dans son instrument qui retentit de la joyeuse sonnerie.


Au moment du départ, le Président consulte la carte. A gauche, Mme Poincaré. A droite, le préfet de la Corrèze, Etienne Vergé.

(Source : L'illustration n° 3682 du 20-09-1913 - Col. JPC)

Les ordonnances pressent pour le départ. Ils s'impatientent. On les suit jusqu'aux voitures qui viennent prendre la file. La voiture présidentielle traverse le cortège. Le Président, respectueusement salué sur son passage a la figure reposée. Il sourit, ainsi que Mme Poincaré.

Nous voilà lancés à leur suite, à travers la Corrèze, par un soleil resplendissant.

L'entrée en Corrèze

C'est exactement au milieu du bois de Chazareix que M. Poincaré entre sur le territoire du département de la Corrèze. Côtoyant la limite entre les départements de la Creuse et de la Corrèze pendant 1500 mètres environ, à une altitude de 780 à 795 mètres, il arrive bientôt près du bourg de Saint-Rémy, qui est traversé par le chemin de Sornac à Couffy. Ce bourg n'étant qu'à 500 mètres à gauche de la route présidentielle, nous faisons ce léger crochet et nous visitons rapidement l'église avec son sanctuaire roman, sa nef et ses chapelles gothiques des quinzième et seizième siècles. Nous regrettons de ne pouvoir aller aussi aux ruines du château de Gastines et à son bel étang, qui a plus de 500 mètres de longueur, mais nous sommes appelés sur les bords de la Diège par le beau château du Madiolet et les ruines de Mirambe, et nous reprenons, tout après, la route nous conduisant à Lignareix, chef-lieu de commune tapi entre quatre ou cinq monts, dont l'altitude varie de 690 à 750 mètres.

A Ussel

A 8 heures 30 rigoureusement, le cortège officiel arrive dans les hauts quartiers d'Ussel. La petite sous-préfecture s'est admirablement parée. De nombreux arcs de triomphe avec banderoles aux inscriptions variées dessinent la route.

Partout des drapeaux, des guirlandes et la foule massée qui acclame, mais observe un ordre parfait.
On arrive devant la mairie, qui est magnifiquement ornée.


M. le sénateur Dellestable, M. Chabrat, maire, conseiller général, MM. Charvas et Roullet, adjoints, reçoivent, au bas du perron, M. le Président et Mme Poincaré, qui montent sur la terrasse, accompagnés de leur entourage officiel.

<=== Le Sénateur Antoine Dellestable (Source : Site www.senat.fr)





Ussel : carte postale éditée à l'occasion du voyage du Président Poincaré (Source : delcampe.net)           ===>

        Autour du portrait présidentiel, une vue générale de la ville, la Mairie, la Place d'Armes et l'avenue Carnot.


Nous avons remarqué, en outre des hauts personnages déjà indiqués, les sénateurs et députés du département, M. Vergé, préfet de la Corrèze, des magistrats, des conseillers généraux, etc...

M. le Président et Mme Poincaré sont accueillis par le Conseil municipal d'Ussel et un grand nombre de maires de l'arrondissement.
M. Chabrat, maire d'Ussel, prend alors la parole en ces termes :

«Permettez moi, Monsieur le Président de la République, de vous traduire la satisfaction de la population usselloise, qui est heureuse et fière de vous accueillir.

Notre petite ville n'a pas été accoutumée à d'illustres visites : sans doute est-elle donc étonnée de se trouver comblée aujourd'hui. Croyez bien cependant qu'elle apprécie la valeur de votre attention, à laquelle nous sommes tous extrêmement sensibles.
Nous vous remercions vivement, pour notre faible part, d'avoir voulu donner la consécration de votre curiosité éclairée ; demain nous oserons dire de votre admiration à cette région limousine, qui en est digne par la variété et la beauté de ses incomparables sites, et surtout par l'accueil plein de cordialité que l'on y rencontre toujours, jusque dans le moindre hameau, jusque chez le plus humble travailleur.

Mais de tels remerciements ne sont pas seulement ceux de citoyens attachés à leur origine, à leur pays, ils sont aussi l'expression loyales de ce que pensent, de ce qu'éprouvent nos âmes fidèlement républicaines, qui, d'ailleurs, acclament en vous autant votre haute personnalité que le symbole constitutionnel de notre démocratie.
Les conseillers municipaux qui, auprès de moi, ont l'honneur de vous être présentés, sont pénétrés de ces sentiments, j'en ai la persuasion ; et, comme Ussel tout entier, ils désirent avec moi, unir à votre nom, Monsieur le Président, le nom de Mme Poincaré, dans la manifestation bien sincère de leur reconnaissance et de leur sympathie très respectueuse.
»

M. le Président répond en substance :

«Vous avez raison, Monsieur le Maire, de penser que j'ai du plaisir à admirer votre beau pays et votre petite ville, dès mon arrivée, au seuil de la Corrèze, par ce soleil radieux.

Et je suis heureux de ressentir ici l'accueil sympathique de vos populations dont je connais la foi républicaine. Soyez, Monsieur le Maire, mon interprète auprès des habitants d'Ussel pour les remercier de leur réception.
Merci de même à MM. Les Conseillers municipaux et à MM. Les Maires qui ont voulu ici se joindre à vous.
»

Le fin du discours présidentiel est saluée d'applaudissements et de cris répétés :

« Vive le Président ! Vive Poincaré ! Vive Mme Poincaré ! Vive la Lorraine ! »


Trois gracieuses jeunes filles, vêtues de blanc et portant des écharpes tricolores, offrent alors à Mme Poincaré de magnifiques bouquets composés de nos fleurs limousines. Mme Poincaré se montre très touchée de cette attention et embrasse aimablement les trois gentilles Usselloises en les remerciant.

Jeune fille offrant un bouquet à Mme Poincaré (Doc. Archives municipales de Brive - cote 1S 19-200)

Puis le Président et Mme Poincaré remontent en automobile. La file interminable des voitures reprend lentement, toujours au milieu des acclamations, sa marche à travers la ville toute pavoisée, pour se diriger vers Bort par la route de Mestes.

A Bort

Le cortège présidentiel arrive à 9 heures exactement ; l'enthousiasme de la population est indescriptible ; le pavoisement fait l'admiration de tous. La décoration dont s'est parée la gracieuse petite ville est d'une abondance et d'une somptuosité invraisemblables. Il est certaines maisons qui disparaissent effectivement derrière les feuillages et les drapeaux. Des centaines d'inscriptions apportent à M. et Mme Poincaré l'hommage et le salut de la population. En voici quelques échantillons : « Soyez les bienvenus : », « Au Lorrain, au grand patriote ! », « Souvenir honoré ! », « Bort vous remercie ! », etc. Sans compter les « Vive la France ! », Vive la République ! », « Honneur à Poincaré ! » ; au milieu des acclamations, le président et Mme Poincaré, descendus de leur auto, reçoivent les compliments de bienvenue et les souhaits d'heureux voyage que leur adresse le maire de Bort.


(Doc. AD 19 - Cote 5Fi 28-2)                                                                                                                      (Source : delcampe.net)                                                                                                                                                               

« Je vous remercie, répond le Président. Je suis heureux d'avoir pu m'arrêter quelques trop courts instants dans la charmante patrie de Marmontel. Je vous prie d'être, auprès de la population républicaine que vous représentez si dignement, l'interprète de toute ma gratitude pour le si charmant accueil qu'elle nous a réservé ».

Des fleurs sont offertes à Mmes Poincaré et Klotz dans des petits sabots que présentent des enfants en costume limousin.


(Source : delcampe.net)

L'estrade dressée au pied du monument du grand littérateur Marmontel, est décorée avec un goût parfait, de verdure et de trophées de drapeaux. On y lit cette inscription : « Honneur à Poincaré !» Plusieurs arcs de triomphe ont été dressés ; celui de la 512° section des Vétérans mérite une mention particulière. Un vin d'honneur est offert au président que la foule acclame chaleureusement à maintes reprises.

L'impression produite par la visite présidentielle est considérable.

A Champagnac-les-Mines

La route que suit le cortège varie à chaque instant d'aspect, elle est très accidentée : les rampes qu'il faut gravir et redescendre sont rapides, et les courbes d'un faible rayon obligent les chauffeurs à virer avec beaucoup de prudence. On fait, en quittant Bort, une petite pointe dans le département du Cantal, et l'on fait halte à Champagnac-les-Mines, où primitivement l'on ne devait pas s'arrêter.
Le Président, dans sa réponse aux souhaits du maire, explique qu'ayant reçu après son départ une adresse du Conseil municipal de Champagnac, il avait tenu à apporter aux populations républicaines de cette localité son salut cordial et ses remerciements.

Les voitures dévalent ensuite avec précaution la rampe sinueuse et accidentée conduisant au pont suspendu de Varajoux.

Des gendarmes , placés à l'entrée du pont font stopper les autos, qui ne peuvent s'engager qu'une à une sur le frêle passage. Le pont traversé, on se retrouve dans la Corrèze; là, le coup d’œil est admirable, les gorges de la Dordogne, vue de ce point peuvent être comparées aux plus beaux sites des Pyrénées.

A Neuvic

Les derniers préparatifs sont achevés, grâce au zèle et au dévouement du jeune et actif maire, conseiller général et président du syndicat d'initiative, M. le docteur Henri Queuille ; la coquette commune de Neuvic, complètement transformée sous les drapeaux, guirlandes et verdure, n'était jamais apparue aussi riante. Place de la Mairie, la décoration est magnifique ; c'est là, en effet, que doit s'arrêter la voiture du Président de la République. Les nombreux chars qui font partie du cortège de la fête de la Bruyère sont rangés les uns à coté des autres et attirent l'attention des étrangers. Le cortège comprend « Les vieux puits de chez nous », « Un logis sur le chemin de rive » avec « le petit berger qui garde son troupeau », « l'église du village », des chars tout fleuris, le « Petit mariage d'autrefois », et les magnifiques chars de la ferme-école des Plaines et de la Gerbe-Rousse, conduits par trois paires de grands bœufs. La place est traversée par une grande banderole sur laquelle on peut lire « Neuvic, centre de tourisme, salue et remercie le Président de la République ».

A 10 h. 40, la première voiture automobile paraît, puis vient celle de M. Poincaré. La fanfare des « Enfants de Neuvic » joue alors la Marseillaise.

M. le maire, entouré de son conseil municipal, souhaite la bienvenue au chef de l'Etat, lui exprimant sa satisfaction et celle des habitants de la commune. M. Poincaré répond, puis debout dans sa voiture, il se retourne vers la foule, que les gendarmes ont de la peine à maintenir, et dit : « Je remercie la population toute entière. Vive la République ! » Des acclamations partent de toutes parts : « Vive Poincaré, Vive Mme Poincaré ! »

Le registre des délibérations du conseil municipal est ensuite présenté au Président qui y appose sa signature, puis une gerbe de fleurs est offerte par les élèves de la ferme-école des Plaines à Mme Poincaré, ainsi que des bouquets de bruyère par les deux petits époux de la noce. Mme Poincaré les embrasse et l'automobile présidentielle repart au milieu des vives acclamations de la foule.




Ci-dessus, la population attend l'arrivée du président (Source : delcampe.net)

Ci-contre, les enfants de Neuvic en costume Limousin attendent le Président (Source : L'Illustration n° 3682 du 20-09-1913 - Col. JPC)



De Soursac à Lapleau et Saint-Privat

La petite et riante commune de Soursac, à l'exemple des autres, s'est mise en frais, mais la population s'est portée principalement à la station voisine du tramway qui traverse la Luzège. Deux trains sont formés, le train présidentiel et celui de la presse; ils s'engagent sur le ravin dont les deux cotés sont reliés par un pont de 140 mètres de haut; il n'en existe qu'un autre en France, celui de Bournadone, plein de souvenirs tragiques, puisque l'ingénieur, M. Giscard se tua le jour de son inauguration.


Passage du train présidentiel sur le viaduc des Rochers noirs. C'est du moins la légende de la carte :

elle aurait été ajoutée par l'éditeur sur un banal cliché du viaduc (Source : delcampe.net).

A Lapleau, halte et repas. La population très enthousiaste acclame le Président,

qui est reçu par M. Rouby, maire et sénateur ; un déjeuner est offert au chef de l'Etat ; pendant ce temps, les journalistes sont les hôtes du syndicat d'initiative de la Corrèze, les honneurs de ce déjeuner sont faits par MM. Vachal et Laumond. M. Vachal porte un toast à la presse, sur laquelle il compte pour la mise en valeur des belles régions parcourues. Dans sa réponse, M. Gaussorgues, au nom des journalistes, vante la beauté du Limousin que ses confrères se feront un plaisir et un devoir de célébrer.

                                Le Sénateur-Maire de Lapleau, Hyppolite Rouby (Source : Site www.senat.fr)  ===>


<=== (A gauche, source : delcampe. net

Ci-dessous, source : gallica.bnf.fr)






Lapleau : petite marche de la gare à la mairie, avant le repas officiel. Dans la Grand' rue, le Président est entouré du général Beaudemoulin à sa droite, et de Mr Mollard à sa gauche. Derrière, Mme Poincaré est en compagnie du Sénateur Hippolyte Rouby, Maire de Lapleau et Président du Conseil général.   
                                

   




              <===  Lapleau : après le déjeuner, le Président sort de la Mairie
                                           (Doc. AD 19 - cote 5Fi 106-42)


Le cortège repart après le déjeuner. M. Poincaré est l'objet d'une nouvelle et chaude ovation ; on traverse Spontour, où la population fait un accueil sympathique au chef de l'Etat, et on arrive à Saint-Privat.

M. Mons, député et maire de Saint-Privat est à la tête de la municipalité ; il souhaite la bienvenue au Chef de l'Etat, que les habitants acclament : ce n'est qu'ovations et pluies de fleurs.



A Argentat

Notre jolie petite cité s'éveille dès la première heure. Un soleil radieux, précurseur d'une belle journée, commence à percer dans la brise assez fraîche du matin. Argentat s'apprête à fêter dignement la visite de M. Poincaré, l'éminent Chef d'Etat. Cette solennité coïncide avec le comice agricole ; nos rues sont parées de leurs plus beaux atours de fête. L'enthousiasme est général. Les initiatives privées n'ont pas fait défaut, répondant à l'appel du comité, chacun a rivalisé de zèle ; c'est sous une véritable tonnelle de verdure, ornée de drapeaux et d'oriflammes multicolores que le Président va traverser notre ville. Sur le parcours, le faubourg du Bastier, la rue Nationale, la place Gambetta, jusqu'à l'avenue de la Gare, que suivra le cortège présidentiel, l'on ne voit que verdure, pavoisements, arcs de triomphe du meilleur effet. Les maisons sont pavoisées de drapeaux, d'oriflammes et de banderoles aux couleurs éclatantes. Les devantures des magasins disparaissent sous des arceaux de verdure, où sont placées des photographies du Président. Par une délicate attention, au-dessus de la plaque commémorative du passage d'Henri IV à Argentat en 1569, a été également placé un grand portrait colorié de M. Poincaré, encadré de verdure et de drapeaux tricolores. De tous les points environnants, la foule est accourue pour saluer le Chef de l'Etat ; les rues sont noires de monde, c'est un mouvement continuel qui s'accentue d'heure en heure. De nombreuses inscriptions en gros caractères imprimés sur toile sont placés à différents endroits. On peut y lire notamment : « Hommage à Mme Poincaré », « Honneur à M. Poincaré », « Vive la Lorraine ! », « Bienvenue à la presse !».


Passage du cortège à Argentat pavoisée (photographie - source : delcampe.net)

La « Lyre Corrézienne », sous la direction de notre ami et compatriote M. Charles Reyrolles, fait partie de la fête et en relèvera l'éclat par les brillants morceaux qu'elle exécutera au cours de la journée.

Dès trois heures de l'après-midi, après la distribution des prix aux lauréats du comice agricole, place général Delmas, M. Jourde, maire d'Argentat, conseiller général ; accompagné du conseil municipal, des membres du comice agricole et des maires du canton, arrive place Gambetta, où est dressée l'estrade sur laquelle sera offert le vin d'honneur à M. Poincaré. Y prennent également place le bureau du syndicat d'initiative des

Gorges de la Dordogne, MM. Philippe Vachal, Descubes, ancien député, Branchat de Léobazel, Reyrolles, Leygonie, Muzac, etc...

Le moment est solennel ! L'automobile présidentielle est signalée ; des vivats éclatent de tous cotés ; la foule est immense. Le service d'ordre est assuré par nos gendarmes, renforcés par leurs collègues venus des diverses brigades de la Dordogne. Aux cris mille fois répétés de « Vive Poincaré ! Vive le Président ! Vive la République ! Vive la France », la voiture présidentielle arrive par la rue Nationale et s'arrête place Gambetta, devant l'estrade. Viennent ensuite les autres voitures transportant les diverses autorités civiles et militaires, ainsi que les membres de la presse.

M. Jourde va au-devant de M. Poincaré et offre son bras à Mme Poincaré, pendant que la « Lyre Corrézienne » joue la Marseillaise. Bientôt l'estrade est envahie par la suite du Président, les exclamations partent de toutes parts et les vivats sont répétés par des milliers de poitrines. Nous remarquons sur l'estrade M. et Mme Klotz, le général Beaudemoulin, M. Bussières, sénateur, MM. Delmas, Tavé, Lachaud et Doussaud, députés de la Corrèze.

Une jeune fille habillée de blanc offre une gerbe de fleurs à Mme Poincaré ; une autre, coiffée du barbichet, lui remet également une plaquette offerte par la ville d'Argentat, contenant deux eaux-fortes, représentant deux vieilles maisons de notre localité. Mme Poincaré, vivement touchée de cette attention, remercie et embrasse les jeunes filles. La foule applaudit frénétiquement. M. le maire prononce alors le discours suivant :

« Monsieur le Président, l'accueil que vous recevez de nos populations laborieuses, patriotes et républicaines, vous prouve surabondamment le sentiment enthousiaste de mes concitoyens, unis sans distinction de partis pour venir vous saluer. Cette manifestation s'adresse au Président de la République, au grand citoyen qui est l'honneur de la France et de la République. Merci, Monsieur le Président, de votre visite ; c'est un grand honneur pour notre ville qui vous restera infiniment reconnaissante de ce geste généreux. Vous aurez révélé aux touristes de France et de l'étranger un pays si pittoresque, presque ignoré, et qui cependant est digne d'être connu et visité. C'est grâce à vous, Monsieur Poincaré, qu'il le sera désormais. Que Madame Poincaré daigne agréer l'hommage de notre respectueuse admiration ; qu'elle reçoive l'expression de notre vive gratitude pour avoir si gracieusement accepté les fatigues de ce superbe voyage. A ces fleurs, à cette plaquette rappelant les quartiers d'Argentat, que l'on a déjà dits « vieillots » et charmants, veuillez nous permettre, Madame, d'ajouter l'offre de ce tapis, tissé à Argentat, aux armes de notre ville, souvenir de notre industrie locale et naissante encore.

Je vous demande la permission de lever mon verre en l'honneur de M. Poincaré, président de la République Française ; en l'honneur de Mme Poincaré, dont la grâce charmante rehausse l'éclat de cette fête. »


                        Le Président quitte l'estrade où avait lieu la réception (Doc. Archives municipales de Brive - cote 1S 19-200)

Des applaudissements répétés appuient ce discours, auquel M. Poincaré répond avec son éloquence habituelle. Les applaudissements et les cris « Vive Poincaré ! Vive la République ! » redoublent. L'enthousiasme est considérable. Il était environ quatre heures de l'après-midi lorsque le cortège reprit sa marche.

A Beaulieu

Bien que notre ville, consciente de sa beauté, ait été légèrement déçue par la brièveté de l'arrêt présidentiel, elle n'en rendit pas son hôte illustre responsable et le reçut avec un chaleureux enthousiasme. Par une gracieuse collaboration, les dames de la ville et les habitants rivalisèrent d'ingéniosité et de goût. Quatre arcs de triomphe étaient dressés et des bandes traversaient les rue, formant une voûte tricolore. Les drapeaux, draperies, écussons, inscriptions sont à profusion, les maisons sont enguirlandées de fleurs. Beaulieu soutient dignement sa réputation d'élégante originalité. Il fait un radieux soleil. Les rue et les fenêtres sont garnies d'une foule sympathique. Le conseil municipal au complet, escorté des pompiers, occupe un emplacement réservé. M. Dupuy, conseiller d'arrondissement est présent. Le service d'ordre se montre paternel et le public docile. Le président prendra vraiment contact avec le peuple.













Cartes postales de Beaulieu :

Source : delcampe.net






A l'arrivée de l'auto, dans laquelle se trouvent MM. Oudaille, Pujallet et Pognon, la cloche sonne, les tambours battent. Aux acclamations de la foule, la voiture s'arrête. Melles Pécher, petite-fille du sénateur Bussière, et Berton, offrent des gerbes à Mmes Poincaré et Klotz. Le docteur Goudeaux présente ensuite le conseil municipal et prie le président de signer le procès verbal. M. Poincaré acquiesce aimablement, puis il adresse ses meilleurs remerciements à la charmante commune, si justement nommée, si agréablement située, si bien faite pour tenter le pinceau des peintres et retenir les voyageurs ; il regrette de ne pouvoir s'arrêter que quelques instants, mais il gardera le meilleur souvenir de l'aimable accueil et de la manière charmante dont il a été reçu.


















Aux cris : « Vive la République ! », les voitures repartent, au milieu des acclamations. Une magnifique ovation est faite à M. Bussières, sénateur, qui passe en voiture avec M. Lachaud, député, les deux concurrents acharnés aux élections de l'année dernière. Le voyage présidentiel fait des miracles de rapprochement, dans la trêve des partis.

[Le cortège prend alors la direction de Tulle, en traversant, sans s'arrêter, Nonards et Tudeils.

Il fera un très court arrêt, non prévu au programme, à Sainte Fortunade.]


La foule attend le Président à Tudeils. Là aussi un arc de triomphe a été construit (Doc. AD 19 - cote 5Fi 271-3)
(à noter, une erreur de date dans la légende de la carte)





















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