- Poincaré : en route pour Cahors

 
Journée du samedi 13 septembre 1913

C'est le départ de Brive. Le Président quitte le Corrèze en direction du Lot.

La sortie de Brive

C'est encore par un temps superbe que M. le Président de la République et sa suite sont partis samedi matin, à 8 heures. C'est le syndicat d'initiative du Lot qui prend maintenant les visiteurs, route de Bordeaux, à la porte de la sous-préfecture ; il offre à M. Poincaré un magnifique album, contenant l'itinéraire qu'il va suivre. Les sénateurs et députés du Lot remplacent dans le cortège présidentiel les sénateurs et députés de la Corrèze. La municipalité de Brive fait ses adieux au Président et à Mme Poincaré. Le Président remercie de l'accueil qu'on lui a fait. M. et Mme Klotz remercient également. La foule est considérable et pousse des vivats. Les autos défilent dans l'ordre.

Par une délicate attention, le Président veut bien faire le tour de nos grands boulevards, ainsi, d'ailleurs, suivi de tout le cortège. Sous le gai soleil levant, le défilé est admirable. Il revient ensuite à l'entrée de la rue Carnot, qu'il longe, traverse la Grand Place, longe la grande rue de l'Hôtel de Ville, puis l'avenue de Toulouse où, au pont, se trouve la société des tambours et clairons Les Touristes, qui sonnent Aux Champs, avec les Boy-Scouts, qui saluent une dernière fois le Président, qui s'éloigne sur Cahors.

Sur tout le parcours de la promenade, autour des boulevards, en ville et sur la route de Toulouse, la foule, très dense, a acclamé le Président et Mme Poincaré, M. et Mme Klotz, qui paraissaient radieux.

En route pour Cahors

La route de Cahors que l'on prend, passe dans le riant vallon de Saint-Antoine, au bas des grottes qui, en 1226 servirent d'ermitage au thaumaturge de Padoue, custode des Frères mineurs en Limousin. De grandes constructions modernes, couvent de Franciscains, naguère peuplé, se sont élevées autour des excavations et ne servent plus qu'à une maison de retraite pour de vieilles ursulines sécularisées.


L'entrée du pèlerinage de Saint Antoine (Source : delcampe.net)

Nous montons, avec la route en corniche, sur des collines où s'ouvrent de tous les cotés des carrières de grès, d'où sont sorties la plupart des pierres avec lesquelles Brive a été bâtie ; de ces hauteurs, la vue sur la ville et sa plaine est fort agréable... Les autos redescendent ensuite dans des petites vallées très fraîches où s'ouvrent de tous côtés des grottes dans la verdure ; grottes naturelles, qui ont été stations préhistoriques dans le vallon de Planchetorte, près d'un premier viaduc du chemin de fer, et qui ont été fouillées par les préhistoriens locaux Elie Massénat, Ph. Lalande, Joseph Soulingeas, Bardon et Bouyssonie ; grottes creusées de main d'homme au moyen-âge, comme les grottes de Lamouroux, qui apparaissent sous les arches d'un troisième viaduc du chemin de fer, telles les alvéoles d'une ruche à miel, avec leurs cinq étages de cavités superposées.

Du vallon dit de la Courolle, la route monte à Noailles. Voici en passant le château d'origine de la grande famille, dont le nom célèbre, avec le souvenir de ses illustrations se retrouve de Marseille à Dunkerque. A coté, l'église possède, avec épitaphes, un certain nombre de tombeaux des Noailles... Retournons-nous pour donner un dernier coup d’œil aux vastes horizons du Bas-Limousin : la vue s'étend aux vallées de la Corrèze et de la Vézère, parcourues les jours précédents. Maintenant, en descendant vers le vallon de la Couze, le joli vallon d'Entrecors, où le ruisseau se perd dans le sol pour ressortir à quelques kilomètres plus loin, et en filant sur Nespouls, nous sommes dans la région des Causses, où chaque courbe peu étendue limite le regard à de rares champs et à des taillis de petits chênes et noisetiers ; c'est le royaume de la truffe dans les clairières brûlées du taillis. Un instant, la monotonie du paysage est interrompue par l'exploitation des carrières de pierre à chaux qui, avec une chaîne aérienne sans fin, apporte les matériaux à l'extrémité d'un vallon à des fours qui se trouvent à la gare de Noailles.

La recherche des truffes

A Nespouls, presque sur la limite de la Corrèze et du Lot, en compagnie du maire, M. Sourzat, le docteur Lachaud, député, fait assister le Président de la République et Mme Poincaré à un spectacle peu banal, qui, jusqu'à ce jour, n'avait pas encore figuré dans le programme des voyages officiels : une truie à la recherche de truffes. L'animal, tenu en laisse, fouille et creuse avec son groin, sous de petits chênes truffiers, la terre rouge qui recèle le précieux tubercule. Il a vite fait de ramener à la surface trois ou quatre belles truffes [...]

On offre à Mme Poincaré, dans une corbeille de verdure, les truffes ainsi recueillies et l'on se remet en marche. Et pendant toute la scène champêtre, un cinéma déroulait son film enregistreur...


D'après Louis de Nussac, la démonstration de cavage n'a pas été faite à Jugeals, comme l'indique la légende de la carte, mais à Nespouls (Source : delcampe.net)






Nous traversons le dernier village limousin, le village de Reyjade, et après quelques tours de roues, M. Poincaré quitte le département de la Corrèze et entre dans celui du Lot...

                                        L'entrée du cortège dans Cahors (Source : l'Illustration n° 3682 du 20-9-1913 - Col. JPC)

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