- Poincaré à Tulle


Journée du jeudi 11 septembre 1913 (suite)

Le Président arrivera à Tulle en fin d'après-midi. Après les réceptions officielles, il y dînera et couchera à la préfecture.
Le lendemain matin, il reprendra la route en direction de Brive .



L'arrivée à Tulle

Depuis plusieurs jours, la ville de Tulle était dans une animation très vive, pour la préparation des décors et des pavoisements des rue, quais et places. Des portiques élégants où serpentent des cordons de bacs électriques étaient installés Place Municipale, en face le Pont de la Mairie ; des colonnes ornées de faisceaux et feuillages, des banderoles, des plantes, arbustes, etc., disposés avec goût, donnaient à toute la cité un aspect féerique, attrayant, et transformaient les avenues de façon gaie et gracieuse. En face de la mairie, à l'intersection des quais de la République, Baluze et la rue du Trech, les cordons multicolores, avec de nombreuses ampoules électriques, étaient accrochées à des colonnades ajourées, reliées entre elles par des branchages de lierre, de chêne. L'effet était très beau et on se félicitait que le soin de cette décoration bien faite ait été confié à une maison spéciale : M. Hillaireau, de Saint-Ouen, avait, en effet, tiré un excellent parti de la disposition des lieux. Aussi, arrivé au cœur de la ville, en débouchant rue Nationale, le coup d’œil était ravissant. L'avenue Victor Hugo était pavoisée d'une façon absolument parfaite, mais, pour donner une idée plus exacte, procédons dans l'ordre que suivra le cortège présidentiel.

A l'entrée de la ville, avenue de la Gare, deux superbes pylônes sont dressés par la Manufacture d'armes. Ils sont ornés du bas au sommet de pièces détachées du fusil Lebel, de cordons qui partent du haut et vont tomber au-devant d'une panoplie faite avec des fusils, des sabres, des écussons, des cuirasses et autres pièces d'armurerie. L'effet est joli à l’œil et surtout imposant.

Un arc de triomphe monumental est construit à l'entrée de l'avenue Victor Hugo, avec des branches de châtaigniers, munies de leurs bogues, et des fleurs de bruyère, par les soins de M. Taupin, fleuriste. Au sommet de l'arcade du milieu, on lit, en grosses lettres : « Hommage au Président ». Des faisceaux de drapeaux et des écussons décorent l'ensemble. Jusque au pont de la Barrière, des banderoles, avec des multitudes de drapeaux, sont placées tous les dix mètres et traversent l'avenue sur une longueur d'un kilomètre. Notons la décoration des maisons, qui, toutes, sont ornées de verdure, d'oriflammes, de lanternes. Il y a eu, dans ce quartier, assaut de goût, d'entrain et de dévouement. Jusqu'à la préfecture, c'est la même profusion de drapeaux et de guirlandes. Chacun a voulu bien faire et tous ont bien fait.

La mairie est superbe : le vestibule, transformé en salon de réception, est somptueux. Des cordons électriques serpentent à travers le lierre, les feuilles de châtaigniers et les tentures cramoisies et or. La municipalité a trouvé le moyen de donner à la salle où va être reçu M. Poincaré un air de fête qui lui fait honneur. La satisfaction est générale, pas une note discordante. Tulle se montre ce qu'elle est : généreuse, patriote et républicaine.

L'hôtel de la préfecture est également resplendissant. C'est dans ce superbe bâtiment que vont séjourner M. et Mme Poincaré et les ministres, avec les personnages officiels de l'entourage de M. le Président de la République. Le parc tracé au flanc du coteau est resplendissant ; mais l'hôtel lui-même ressort brillant et forme, au bout du Trech, illuminé de milliers de lanternes multicolores et de cordons électriques, un bouquet ravissant.


                                               Départ de la préfecture (Doc. Archives municipales de Brive - cote 1S 19-200)

La foule commence à devenir compacte, dès l'après-midi. Il n'y a pas de familles qui n'aient des invités et des localités voisines arrivent des étrangers. Les promeneurs sont nombreux et chaque rue et quai sont sillonnés par un nombreux public, qui attend, anxieux, l'arrivée de M. Poincaré. Beaucoup commentent très favorablement cette randonnée, qui met en relief le pays si attrayant et si beau qu'est la Corrèze. On exprime même, dans les conversations, une reconnaissance à M. Poincaré, pour avoir accepté ce voyage dans la Limousin. Plusieurs ignoraient les paysages si variés, les gorges si grandioses et les cascades si nombreuses.

Mais des salves partent des collines : c'est l’annonce de l'entrée en ville du cortège. Tout le monde se porte sur le passage du Président. Il y a une effervescence sympathique qui contraste avec le tempérament un peu réservé des Tullistes. A une allure assez modérée, les autos se dirigent vers l'hôtel de ville où le conseil municipal et les fonctionnaires municipaux sont groupés. Aussitôt entré, le cortège se groupe autour de M. Poincaré et M. de Chamard, maire le reçoit par cette allocution :

« Monsieur le Président,

J'ai le très grand honneur de vous présenter le conseil municipal de Tulle et de vous offrir ses plus respectueux hommages. Nous sommes heureux de vous exprimer, au nom de la population si patriotique et si républicaine de notre ville, nos souhaits sincères de bienvenue. Nous vous remercions, Monsieur le Président, de n'avoir pas hésité, malgré les fatigues de cette longue et pénible randonnée à travers nos montagnes, à venir parmi vous, pour aider au beau mouvement touristique qui s'accentuera chaque jour davantage en faveur de notre Limousin. Tulle gardera longtemps le souvenir flatteur de votre passage. Soyez assuré, Monsieur le président, de notre respectueuse et profonde sympathie pour votre personne et de notre attachement aux institutions républicaines. »

M. Poincaré remercie M. le maire des aimables sentiments qu'il lui a adressés au nom du conseil municipal et des termes touchants qui lui sont personnels. Après la journée exquise passée au pied des belles campagnes corréziennes, il est heureux de passer quelques heures dans la belle ville de Tulle ; il a reçu le meilleur souvenir de toutes les cités, grandes ou petites, et celui que lui a fait Tulle, des plus chaleureux, prouve l'attachement de sa population à sa République. M. Poincaré serre ensuite les mains à tous les conseillers municipaux et aux personnes présentes.

Deux magnifiques gerbes de fleurs sont alors offertes à Mme Poincaré et à Mme Klotz par Melles Renée Malimont et Semenou. Leurs gracieuses physionomies, quoique un peu émues, cela se comprend, leur vaut toutes sortes de délicates attentions, et M. le Président de la République est très touché de leur offrande, présentée par Melle Malimont, qui débite un joli compliment. Mme Poincaré remercie et embrasse Melle Malimont. Melle Semenou présente ensuite un bouquet à Mme Klotz, qui remercie à son tour et l'embrasse.

Le cortège se rend à la préfecture, au milieu des acclamations ; l'enthousiasme est indescriptible. Après présentation des saluts et des hommages de plusieurs sociétés, notamment de la Croix-Rouge, M. Forot s'avance devant Mme Poincaré et s'exprime ainsi :

« Au nom du Syndicat d'initiative de Tulle et de la Corrèze, et de la Chambre de commerce, je suis heureux de vous offrir un modeste présent comme souvenir de votre passage dans un pays où le Président de la République est aimé et honoré ». 

<===  Mr Victor Forot, Président du Syndicat d'initiative de Tulle

La foule compacte qui s'est rendue devant la préfecture, acclame M. Poincaré, l'obligeant à sortir au balcon deux fois pour venir remercier. Mme Poincaré, acclamée également, sort sur le balcon avec M. Poincaré, qui remercie encore. Les illuminations et le feu d'artifice sont merveilleux. On ne peut pas circuler dans les rues.


Le banquet officiel

C'est à la préfecture qu'a lieu le dîner offert par le conseil général à M. le Président de la République et à une partie de l'escorte. A ce dîner assistent également : le sous-préfet d'Ussel, les chefs de service, les présidents du conseil d'arrondissement de Tulle et d'Ussel, les conseillers généraux. Le repas, de 120 couverts, est admirablement servi par M. Joubert, du Grand Hôtel Notre-Dame, qui avait préparé le menu suivant :







(Doc. Delcampe.net)











Le Président avait à ses cotés MM. De Chamard et Tavé. Mme Poincaré était entourée de MM. Rouby et Delmas. Citons encore : M. Klotz, ministre de l'intérieur, et Mme Klotz ; M. Vergé, préfet de la Corrèze et Mme Sauvage, sa fille ; MM. le général Beaudemoulin, les lieutenants-colonels Pénelon et Aubert ; MM. Dellestable et Bussières, sénateurs ; Doussaud, Lachaud, Mons, députés ; Pujalet, directeur de la Sûreté générale, ancien chef de cabinet du Préfet à Tulle ; Bonhomme, chef du secrétariat du ministre de l'intérieur, Morain, préfet de la Haute-Vienne ; Pognon, administrateur de l'Agence Havas ; Lorieux, Lamy président de la Fédération des Syndicats d'initiative du Limousin ; Chaix, président de l'Automobile-Club ; Henry de Jouvenel ; Filliol, président de la chambre de commerce ; Filhoulaud, secrétaire général de la Corrèze, Daflas, sous-préfet de Brive ; Blachon, sous-préfet d'Ussel ; Savelli, Colombé et Delarbre, conseillers de Préfecture ; Jammes, chef de cabinet du préfet ; Forot, président du Syndicat d'initiative de Tulle ; le lieutenant-colonel Payeur, directeur de la manufacture d'armes ; d'Encausse de Ganties, trésorier payeur général ; les directeurs des administrations, le maire de Tulle, les présidents des Syndicats d'initiative de Bort, de Neuvic, d'Argentat, de Beaulieu ; Vachal, secrétaire général du syndicat des Gorges de la Dordogne ; Nugon, président du conseil d'arrondissement de Tulle ; de Saint-Félix, président du conseil d'arrondissement d'Ussel ; les membres de la presse, etc.

Pendant le dîner, la musique de l'école d'artillerie d'Angoulême jouait sur la terrasse, les instrument alternant avec les voies fraîches de jolies jeunes filles coiffées du barbichet. Au moment d'une pause, six paysannes de Corrèze, au costume local, s'avancent vers Mme Poincaré et lui portent une superbe gerbe de bruyère qu'elles lui offrent. Mme Poincaré remercie ces jeunes Corréziennes, et M. Poincaré sourit de bon cœur et remercie à son tour. Du reste M. Victor Forot, aidé d'aimables commissaires, a organisé toute une soirée de divertissements d'une belle couleur locale qui a été fort appréciée du Président et de son entourage : avec entrain la bourrée a été dansée – et très vivement applaudie.


(Doc. Delcampe.net)

Le dîner du syndicat d'initiative

Le conseil municipal et le Syndicat d'initiative offraient, de leur coté, un dîner à une partie de l'escorte, aux chefs de service municipaux. L'entrain et la cordialité ont régné tout le temps et M. Malimont, premier adjoint a su résumer les sentiments de la population de tous par ce toast, qui a été acclamé et unanimement applaudi :

« Messieurs, Chers compatriotes,

S'il ne pouvait paraître quelque peu malséant de faire intervenir ici ma modeste personnalité, ma première pensée, au moment de me lever devant vous, serait de me féliciter du rôle flatteur qui m'est dévolu en ces fêtes, de concert avec le syndicat d'initiative de la Corrèze si brillamment représenté ici, d'avoir à saluer des hôtes tels que vous. Mais ce que je ne saurais taire, ce que j'ai l'agréable devoir d'affirmer hautement, c'est la satisfaction – j'allais dire la joie – avec laquelle le conseil municipal de Tulle a appris qu'il nous serait donné de vous recevoir.

Notre ambition la plus vive, Messieurs, est que votre rapide passage, de cette trop courte halte de votre superbe randonnée, vous emportiez l'impression durable que Tulle pratique l'hospitalité de manière à justifier sa vieille réputation de cordialité, de cette cordialité que les critiques les plus sévères n'ont jamais songé à lui contester et grâce à laquelle nous avons généralement bénéficié – je dois le reconnaître – de la bienveillante indulgence que les esprits élevés et généreux ne ménagent point aux hommes de bonne volonté.

Nos ressources sont modestes, sans doute ; mais l'amour de notre pays, le sentiment patriotique et reconnaissant qui nous ont guidés dans l'organisation de ces fêtes nous ont fait en user dans la plus large mesure possible. Nous avons eu à cœur, Messieurs, de nous montrer dignes des hôtes éminents que nous attendions et nous serions désolés, croyez le, de n'y avoir pas réussi. Et comment pourrait-il en être autrement. La plupart d'entre vous, avec une initiative des plus heureuses et une persévérance au-dessus de tout éloge, avez conçu et exécuté le plus merveilleux des projets. Avec votre cœur de Français et de Limousins, animés de cet admirable esprit de solidarité qui sera la glorieuse caractéristique de notre époque, où nous voyons s'épanouir dans toute son ampleur cette fleur aux parfums bienfaisants de la mutualité, vous vous êtes apitoyés, vous vous êtes inclinés généreusement sur notre pays, et, conscients de la force puisée dans la plus virile des volontés, vous vous êtes donnés, Messieurs, le rôle méritoire autant que désintéressé de rénover notre cher Limousin.

Vous vous êtes dits que dans cette région que vous connaissez, que vous avez visitée, que vous avez étudiée et que vous avez habitée, « autrement qu'en un jour sombre et pluvieux », que dans cette ville même, il y avait, pour des esprits ouverts aux beautés naturelles, autre chose à signaler à l'admiration publique que des maisons regardant sottement la rue. Démentant victorieusement par avance les assertions inexactes de certains journalistes aveuglés par l'esprit d'une contradiction de mauvais aloi et qui n'a pas su ou voulu voir chez nous que ce qui, en un moment de mélancolie, n'a pas été de son goût, vous avez compris, vous, que, de bonne foi, vous pouviez sans crainte d'induire en erreur l'opinion publique, « sans risquer d'avoir à vous rétracter », diriger vers nous une partie de cette multitude toujours grandissante de touristes, qui ne trouvent souvent que déceptions en atteignant le but lointain où les ont conduits des réclames sans idéal et purement mercantiles.

Sans autre soucis que celui du bien public, vous avez pensé qu'un pays comme le notre, qui ignore la monotonie, où, au milieu de paysages variés, on découvre presque à chaque pas des sites parlant à l'âme et des souvenirs impressionnants du passé, que ce pays avait été injustement et trop longtemps méconnu. Vous avez pensé que tant qu'ils n'auront pas définitivement abandonné la voie de terre, les routes sinueuses et ombreuses conduisant à ces sites étaient dignes de séduire les touristes désireux de connaître le beau pays de France et que, çà et là, à profusion, sont des merveilles naturelles, qui, si l'on ne devait pas sacrifier au progrès, feraient regretter les nouveaux et mystérieux sillages que nos vaillants aviateurs tracent héroïquement dans les airs.

Et enthousiasmés par votre idéal, vous vous êtes faits les apôtres bénévoles et ardents du splendide mouvement dont la consécration s'accomplit aujourd'hui en une randonnée triomphante. Avec l'expérience avisée que vous avez des choses et des gens, vous avez vite compris que cette grande entreprise méritait le sacrifice des intérêts et des sentiments individuels et devait dominer les querelles passagères que rend inévitables l'exercice de nos libertés et, vous élevant hardiment au-dessus des partis, pour ne voir que l'intérêt général, vous avez, Messieurs, accompli ce miracle sans précédent, de faire taire pour un moment les rivalités mesquines et les regrettables passions politiques. Beaucoup d'entre vous sont des propagandistes habiles et influents : certains disposent du levier puissant de la presse ; tous vous aviez à cœur le succès de cette magnifique entreprise. C'est dans l'enthousiasme que nous assistons aujourd'hui à l'apothéose de son couronnement. Il y a quelques mois à peine, vous nous promettiez « qu'avant la fin de l'année notre pays méconnu trouverait en France et hors de France la célébrité qui lui est due ». Et voilà que cette prophétie, qui pouvait paraître surprenante pour tous ceux ignorant vos moyens et votre volonté, est aujourd'hui réalisée ; comme vous nous l'aviez annoncé, à heure dite, vous avez déjà ramené en Limousin le mouvement qui doit nous assurer la prospérité. Vous n'avez failli à aucune de vos promesses et n'avez rien négligé pour signaler au monde les splendeurs ignorées de nos paysages. Vous aviez conçu le projet « à priori » téméraire, de faire intervenir le Président de la République lui-même pour tracer un itinéraire intéressant, embrassant, non point toutes, hélas ! car c'était chose impossible, mais le plus grand nombre de nos merveilles limousines, et voilà que l'illustre représentant de la France, gagné tout de suite à votre patriotique entreprise, a fait son entrée à Tulle ce soir.

Nous avions crié notre ardent désir que l'accueil le plus enthousiaste fût fait à ce grand et noble français, qui, avec son cœur de patriote, n'a pas hésité, comme nous l'avons écrit, dès l'aurore radieuse de son septennat, à s'intéresser au Limousin. Nous nous réjouissons que notre appel ait été entendu. Nous étions convaincus, au surplus, que cet appel, s'il est de tradition, était inutile pour pour la brave population tulliste, qui, en toutes circonstances, a toujours fait preuve d'une émouvante spontanéité quand il s'est agit de manifester son patriotisme vibrant et son solide attachement aux institutions démocratiques. Un autre sentiment devait l'animer en ce jour, c'est un sentiment de reconnaissance envers le Chef de l'Etat, envers vous tous, Messieurs, qui nous valez l'honneur de sa visite, et je me porte garant que ce sentiment n'a été, à aucun moment, étranger à ses ovations. Ces ovations auront, nous l'espérons, assez profondément touché M. le Président de la République pour qu'il ne regrette pas le beau geste qu'il vient de faire.

Nous sommes ici les admirateurs de ce grand lorrain ; nous saluons en lui le rénovateur, non seulement du Limousin, mais encore du patriotisme français, qui nous assurera la paix, la paix dans la dignité, en permettant encore le développement de nos libertés, et nous souhaitons que son septennat se poursuive et s'achève, heureux et fécond, dans l'enthousiasme de bon augure qui a salué ses débuts.

C'est avec ces sentiments que je propose, Messieurs, de lever nos verres à M. le Président de la République et à l'éminent ministre de l'intérieur qui a bien voulu se joindre à lui. Et pour terminer, Messieurs, nous restons émerveillés et reconnaissants de votre grande œuvre, qui, pour la prospérité du pays, a su rallier tous les concours. Elle marquera dans les annales du Limousin, et, confiants dans les heureux résultats que nous attendons, le conseil municipal de Tulle, se faisant l'interprète de la population, adresse par ma bouche son admiration et sa gratitude à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l'éclat de cette fête, à tous ceux qui se sont donnés la noble tâche de travailler à la rénovation du Limousin ».

La soirée populaire


La soirée a été réellement féerique. L'illumination générale des quais, rues, places, monuments, toutes les maisons bien pavoisées et éclairées donnaient à notre ville un aspect charmant et grandiose qui émerveillait tout le monde.

Le ballon monté par M. Leprince s'est élevé à 4 heures, au milieu d'une foule ravie qui a applaudi le hardi pilote. Le feu d'artifice et les concerts de la musique de l'école d'artillerie et des enfants de Tulle, les divers morceaux du programme ont obtenu plein succès ; aussi est-ce avec une satisfaction générale que la population de Tulle s'est retirée à une heure fort tardive, emportant de cette grande fête un souvenir durable


Le départ de Tulle

A peine les derniers échos de la fête d'hier soir s'étaient-ils éteints, que paraissaient les premières lueurs du jour et que la ville recommençait à s'animer d'une rumeur joyeuse. Quant à nous, nous sommes encore sous le charme de la charmante soirée passée hier à la Préfecture. Ces rustiques et fins danseurs de bourrée martelant sa cadence alerte du choc sonore de leurs talons, ponctuant son rythme allègre de clameurs stridentes et sauvages, et ces chœurs de jeunes filles psalmodiant de leurs voix fraîches les naïves mélodies du terroir, ont contribué à nous faire comprendre l'âme limousine, l'âme simple, âpre, douce de ce sol à la fois farouche et riant.

Le réveil, toujours fixé à 6 heures, et qui, à La Courtine, avait eu lieu au son du clairon, a été annoncé à Tulle par la voie du canon. Jusqu'à l'heure du départ, la poudre n'a cessé de parler du haut des collines voisines, en l'honneur de l'hôte illustre. Dès 7 heures, ce matin, tous les Tullois avaient pris position dans les rues pour adresser au président une acclamation d'adieu.

Une dernière visite : la Manufacture d'armes

A 7 h. 45, M. Poincaré se rendit à la Manufacture d'armes, où il fut reçu par le lieutenant-colonel Payeur. Tous les ouvriers au nombre de 1 200, qui se tenaient massés dans la grande allée, en bourgerons et cottes bleues, accueillirent le Président par des acclamations enthousiastes. Le Président visita rapidement le premier atelier de fabrication des Lebels, puis, en sortant, il s'adressa aux ouvriers, qui firent cercle autour de lui.

« Je suis heureux, dit-il, d'avoir cette occasion d'adresser aux employés et ouvriers de la Manufacture d'armes de Tulle mes meilleurs vœux. Je connais vos sentiments républicains et votre patriotisme, et je considère comme un devoir de vous adresser le témoignage de tout l'intérêt que vous porte le gouvernement de la République ». Aussitôt, tous les ouvriers agitent bérets et casquettes et un formidable cri de : « Vive la République ! Vive Poincaré ! » s'élève de toutes ces poitrines. Le Président prend congé du colonel Payeur, qui s'incline profondément, et de M. de Chamard, maire de Tulle. Puis, par un long détour à travers les rues pavoisées, il revient devant la préfecture, où Mme Poincaré monte en auto au milieu d'un enthousiasme indescriptible.

Deux minutes plus tard, nous avons franchi les faubourgs et, sur la route blanche, dans un nuage de fumée, d'essence et de poussière, nous nous élançons vers Brive-la-Gaillarde, mais en faisant les plus capricieux détours par monts et par vaux à travers le pittoresque et riant Bas-Limousin.

            Sortie de la Manu (Doc. Archives municipales de Brive - cote 1S 19-200)    ===>






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