- Récit : l'usine électrique du Saillant, et l'arrivée de l'électricité, vues par l'abbé Blaise-Adolphe Marche, curé d'Allassac


Lors de l'arrivée de l'électricité à Allassac, l'abbé Blaise-Adolphe Marche (1833-1913), alors curé de la paroisse avait rédigé un article pour l'hebdomadaire La Croix de la Corrèze, dans lequel il donnait maints renseignements d'ordre technique sur l'usine électrique du Saillant. Il a repris cette chronique dans le premier d'une suite d'articles publiés de 1899 à 1902 dans le bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, sous le titre de "Allassac et ses annexes".


Blaise-Adolphe Marche vers la fin des années 1800 (Doc. JPC)


Tous ces articles rassemblés ont ensuite fait l'objet de son premier ouvrage historique sur la paroisse, sous le nom de "La Paroisse d'Allassac", publié en 1903. Lisons ses explications.

" C'est le cas maintenant de parler de la force électrique [....] qui semble devoir promettre de nouveaux avantages à la population ouvrière.
C'est en 1896 que l'électricité, cette belle découverte des temps modernes, a pu fonctionner à l'usine du Saillant-Vieux, sous l'habile direction de M. Chaux et le haut patronage de notre député, M. le comte de Lasteyrie. Nous ne pouvons en donner une idée plus exacte qu'en relatant ici l'article que nous fîmes insérer à ce sujet dans "La Croix de la Corrèze".

"L'éclairage électrique de notre ville a été inauguré le 19 Juillet dernier. L'installation qui a fait le plus grand honneur à l'entrepreneur, M. Chaux, mérite plus qu'une description sommaire. En effet, si nos souvenirs sont exacts, c'est la seconde installation de ce genre qui fonctionne en France. Voici en quoi elle consiste.

L'usine génératrice du courant est située à trois kilomètres environ d'Allassac, au village du Saillant-Vieux, dans le fond d'une vallée splendide et au milieu d'un bouquet d'arbres séculaires, où se trouve un moulin appartenant à M. le comte de Lasteyrie, député à l'Assemblée nationale. C'est ce moulin que M. Chaux a choisi comme centre de production du courant électrique. A cet effet, il a fait installer à la place de la vieille roue à augets qui actionnait autrefois le moulin, une turbine système Hercule de 115 chevaux. A cette turbine est attelée directement par un joint Raffard une dynamo-auto-excitatrice à courant alternatif de 75 kilowatts, pouvant débiter trois mille volts sous 25 ampères. Cet alternateur, monté en triangle, fournit des courants triphasés qui sont conduits à Allassac par une ligne de trois fils en bronze siliceux, de 35 dixièmes de millimètre.






Cette ligne aboutit à la halle de la ville, dans le grenier de laquelle un transformateur de 10 kilowatts produit des courants de basse tension (120 volts). Ces courants sont alors distribués aux appareils de consommation par un réseau à trois fils qui dessert toutes les rues de la ville et alimente actuellement des centaines de lampes réparties chez de nombreux habitants.
Les courants conduits chez les abonnés étant à basse tension (120 volts), ne sont aucunement dangereux. Aussi les abonnés affluent-ils déjà, et beaucoup qui attendaient d'avoir vu sont aujourd'hui convertis et ne demandent qu'à être éclairés. Le conseil municipal seul se fait encore tirer l'oreille; mais s'il faut en croire certains échos, il ne tarderait pas à répandre cette belle lumière dans les divers quartiers de la ville.




Tout le matériel électrique a été construit par la Société Alsacienne de construction mécanique de Belfort; et le matériel mécanique et hydraulique par la maison Bonnet, de Toulouse, maisons dont l'éloge n'est plus à faire.

Après de tels bienfaits le bien moral marchera-t-il de front avec le bien-être matériel ? Nous aimons à le croire, car la reconnaissance suscite le dévouement et la vertu. En tous cas on ne dira plus d'Allassac qu'elle soit la ville noire puisqu'elle est si brillamment éclairée."

Une petite précision s'impose maintenant : le barrage du Saillant n'existait pas à ce moment là; il sera construit plus de 20 ans plus tard, et l'usine électrique prendra alors une toute autre allure, celle qui apparait sur la carte postale qui suit.




PLUS ENCORE : l'un de nos visiteurs, G. D., nous a fait parvenir le 1° décembre 2015 un message qui apporte des précisions au sujet de la mise en service des usines électriques du Saillant évoquées par l'abbé Marche, et des cartes postales que nous avons insérées dans son texte.

"La première carte postale de l'article montre une vue de la bâtisse située en rive gauche, aujourd'hui en ruine, qui abritait la turbine et l'alternateur résultant de la transformation du moulin d'origine en usine de production électrique et servit à l'éclairage électrique de la ville d'Allassac dès 1896. L'origine de son canal d'alimentation se situait au pied de la sortie des turbines de l'usine actuelle du Saillant.

En revanche, la seconde carte postale montre la retenue et la dérivation du canal d'alimentation de l'usine de 1902 (rive droite) et qui se terminait par deux conduites forcées qui rejoignaient le bâtiment en pierres qui apparaît au fond à droite sur la troisième carte postale. Cette usine servit entre autres à alimenter les villes de Lubersac et Limoges (1). L'usine actuelle, mise en service en 1929, renforçait celle de 1902 laquelle fonctionna jusqu'en 1959 date à laquelle EDF la démantela (envasement excessif du canal).
Par ailleurs, il est attesté qu'en 1931, l'usine électrochimique et électrométallurgique d'Allassac (2) y était bien raccordée…

(1) Voir La Houille Blanche Numéro 6 Octobre 1902 Page(s) 171 - 176 sur http://www.shf-lhb.org/articles/lhb/pdf/1902/06/lhb1902034.pdf

(2) Société anonyme constituée le 29 mars 1922. Siège social à Périgueux (Registre du commerce de Périgueux n°3 881), usines hydroélectriques à Pouch, Biard, Voutezac, usine d'électrochimie à Allassac (Corrèze). Carbure de calcium marque Cyclope".

Merci pour cette contribution.




















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