- Récit : de l'école des soeurs de Voutezac, au "château" de la famille de Génis, au presbytère et à Chantoiseaux



L'abbé Joseph Marche fut nommé curé de Voutezac le premier Juin 1897. Ordonné prêtre le 26 mars 1866, il avait été auparavant vicaire à Liginiac et à Neuvic, puis curé d'Estivals et de Saint-Cyr-la-Roche.

Le 29 juillet 1897, alors qu'il vient d'arriver à Voutezac, Joseph Marche achète une vaste maison, à l'entrée du bourg en venant d'Allassac (1). L'acte avait été passé devant Maître Dunaigre, notaire à Voutezac. L'école des sœurs était installée ces locaux. La vendeuse était Mme Françoise Briat, en religion, Sœur Saint-Joseph (2), de l'ordre de la Providence de Portieux, supérieure de l'école congréganiste libre de Voutezac. La maison, construite en pierre et couverte en ardoise, comprenait une cave voutée (3), un sous-sol de 3 celliers, un rez-de-chaussée avec 7 pièces, et un grenier par dessus. Il y avait aussi un cabinet d'aisance, "y attenant" et un jardin d'un peu plus de 8 ares.












(Clichés JPC - Avril 2011)


Sœur Saint-Joseph avait hérité de ces biens, à titre personnel, de l'ancien curé de la paroisse, l'abbé Henri Denoix (le testament avait été enregistré par Maitre Dunaigre le 25 Mai 1897). Mais elle devait en contre-partie rembourser une créance de 2000 francs que le défunt curé devait à la famille de Génis, les notables de la région, dont un ancêtre, Léonard Paul de Beaupuy de Formigier de Génis, avait été Maire de la commune du 15 juin 1845 au 19 mars 1848.
En achetant la propriété, Joseph Marche reprenait la créance à son compte, et versait en outre la même somme de 2000 francs à la vendeuse, à titre de prix d'achat.

Les transactions immobilières n'étaient pas terminées pour Jospeh Marche.
Le 9 Avril 1905, il échangeait la maison achetée en 1897 contre une grande partie du vaste domaine que la famille de Génis possédait au centre du village, tout près de l'église (acte passé devant Maître Dunaigre, et enregistré à Juillac le 13 Juin 1905). Il y installa son presbytère.

(Col. JPC)

La vaste bâtisse méritait peu le nom de "château" sous laquelle elle était connue localement, mais outre la maison, il y avait un hangar, des dépendances diverses, une cour, un jardin et un vaste parc, avec une grande allée d'accès bordée d'arbres. Une petite chapelle se trouvait dans le parc, juste en face de la maison.

(Col. JPC)

Pour signer la transaction, les nombreux co-héritiers de la famille de Beaupuy de Génis avaient tous donné procuration au régisseur de leur résidence principale, le château de Génis à quelques 20 kilomètres de là, en Dordogne, Mr Joseph Aublanc. L'acte d'échange précise : " les immeubles transmis en échange par Mr Marche étant d'une valeur inférieure à ceux transmis en échange par Mr Aublanc aux noms qu'il agit, Mr Marche doit payer une soulte de deux mille francs. Cette soulte a été payée à Mr Aublanc qui le reconnait et en donne décharge".
Les comptes étaient donc apurés, .... hors la vieille créance du curé Denoix.

Quelques temps avant sa mort, après avoir institué sa nièce Georgette pour légataire universelle, Joseph Marche se ravisa et, soumis à de puissantes pressions, fit don de la propriété à l'évêché de Tulle.


Monseigneur Jean Castel, Évêque de Tulle de 1918 à 1939, l'artisan pugnace de la modification du testament
(Doc. JPC)


L'acte transcrit à la conservation des hypothèques de Brive le 23 Juillet 1927 (volume 1682 - n° 53), précise les conditions du legs :
- L'entrée en jouissance ne se fera qu'après sa mort : Joseph Marche se réserve la jouissance pleine et exclusive du domaine sa vie durant, à moins qu'il n'en décide autrement, et de son plein gré.
- Les biens attribués devront servir de presbytère et de Maison de retraite pour les prêtres âgés et infirmes du diocèse.
- L'association Diocésaine chargée de la gestion du domaine, paiera, au moment de cette entrée en jouissance, à la famille de Génis, la somme de 2000 francs, que Joseph Marche lui devait encore : c'était la fameuse créance de l'abbé Denoix !
- L'association en question s'engage à faire célébrer chaque année et à perpétuité, après la mort de Joseph Marche, un service anniversaire pour le repos de l'âme du bienfaiteur.
- En outre et comme condition essentielle sans laquelle cette attribution ne serait pas consentie, l'attribution est faite sous la condition que l'association continue à exister et à fonctionner sous l'autorité de l'Evêque de Tulle en communion avec le Saint Siège. Si pour un motif quelconque, ces biens ne servaient plus à un usage cultuel, il est expressément convenu que la présente attribution serait résolue, avec toutes ses conséquences de droit, à la demande de M. Marche, ou de ses héritiers légataires universels ou ayants droit.
L'acte précise enfin la valeur vénale du bien attribué, sans doute très largement sous-évaluée : 23 000 francs !

A la mort de Joseph Marche, le 30 mars 1928, l'Association diocésaine prit donc possession du domaine. Différents projets d'aménagement et d'agrandissement furent établis. On retrouve trace de l'un d'entre eux dans les archives de Mgr Monéger, qui fût Vicaire général du diocèse (cote 22J/1Z53 aux archives départementales de la Corrèze) :



Ce n'est pas celui qui fut retenu. Avec celui qui fut choisi, la surface du bâtiment devait être presque doublée. Les travaux furent effectués, et la maison de retraite pour les prêtres âgés y fut installée.

(Col. JPC)

La carte ci-dessus est bien postérieure au décès du chanoine Marche.
On y aperçoit le petit clocher de la chapelle vouée à Saint-Joseph (cercle rouge)
qui est aujourd'hui à l'état de ruines.

Cela ne dura qu'une vingtaine d'années : les locaux, en hauteur, se prêtaient mal à leur utilisation par des personnes âgées, les installations sanitaires étaient insuffisantes, et le village de Voutezac était isolé par rapport aux établissements de santé, déjà concentrés à Brive. L'établissement fut donc vite transféré à Brive, dans le quartier de Champanatier, où il prit le nom de Maison Saint Joseph.

La Maison Saint-Joseph à Brive, ancienne demeure du banquier Roque, dite "Château Roque".

Le presbytère de Voutezac resta installé dans la partie droite de la bâtisse, le "château" d'origine, mais le reste du domaine fut vendu aux Petits Chanteurs de Champagne, et, sous le nom de Chantoiseaux, il servit de maison d'accueil pour des colonies de vacances. Mais, les locaux  bien vite ne se trouvèrent plus aux normes requises pour des séjours d'enfants : ils furent peu à peu désaffectés. Le parc fut démembré, vendu dans sa plus grande partie, et servit à la construction de lotissements et de parkings publics, et même de la nouvelle mairie.

A l'heure actuelle Chantoiseaux dort .... Il n'y a plus de Curé à Voutezac, le presbytère est inoccupé, le parc résiduel est envahi par la végétation, et il y a des lustres qu'aucune messe n'a été dite pour le repos de l'âme de Joseph Marche .....



(Doc. JPC)

Joseph Marche avait été nommé Chanoine Honoraire de la cathédrale de Tulle le 20 mai 1926.
Il est inhumé dans le cimetière de Voutezac (presque en haut de la cote, à droite, en entrant par l'allée principale).


(1) - Adresse actuelle : 18 rue du Rouchou.
(2) - Sœur Saint-Joseph : le patronyme de Joseph, très difficilement lisible sur le document consulté, est incertain.

(3) - La cave voutée : d'après l'actuel propriétaire, elle ferait partie des anciens remparts du village et remonterait au 13° siècle.



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