- Récit : un enfant de Saint-Ybard : Auguste Comby, premier Officier du 126° RI, Mort pour la France en 1939


Le texte qui suit est un extrait de l'article publié sous la signature du webmestre de ce site, dans le bulletin de l'année 2007 (tome 129) de la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze, pages 273 à 288. Certaines images ont été ajoutées au texte initial.

Auguste Comby est né à Saint-Ybard le 15 Août 1908. Ses parents y étaient meuniers, installés au moulin de Cocan. Une longue tradition familiale qui avait pris naissance il y a bien longtemps, aux Quatre Moulins de Lubersac… Auguste avait trois sœurs aînées, Amélie, Noémie et Clémentine, et un frère cadet, Henri. Il avait tout juste 12 ans lors du décès de son père, Pardoux. Sa mère Jeanne, dite Marie, éleva alors seule ses 5 enfants. En même temps elle avait repris à sa charge l’exploitation du moulin, avec l’aide d’un ouvrier minotier, Aimé Soulet. Malgré des conditions très difficiles, elle eut à cœur de faire faire des études à ses garçons. Auguste se retrouva à l’école primaire supérieure d’Uzerche. Ses résultats étant excellents, quelques années plus tard, en 1924, il pouvait réaliser son rêve : entrer à l’Ecole Normale de Tulle pour devenir Instituteur.


L'école primaire supérieure d'Uzerche et l'école normale d'Instituteurs de Tulle

Dans « Le Livre d’Or des Instituteurs Corréziens Morts pour la France en 1939-1945 » (1), l’un de ses camarades de la promotion 1924-1927, Pierre Gautier, raconte :

« Grand, bien découplé, il resplendissait de santé et ne manquait pas d’une certaine distinction physique. Son abondante chevelure châtain et peignée en arrière découvrait un front haut. Des yeux dont le regard reflétait à la fois la franchise et la confiance éclairaient un visage souvent empreint d’une vague tristesse.



Au premier abord, il m’était apparu discret, sinon réservé. Mais le contact établi, il se confiait très librement et avec satisfaction. C’est ainsi qu’au cours de nos toutes premières conversations, je n’ai pas manqué d’apprécier toute sa richesse de cœur et sa rectitude de pensée. Mûri précocement par le malheur, il envisageait son travail avec le plus grand sérieux, la vie avec gravité.

Travailleur et intelligent, il s’avéra aussitôt comme étant l’un des meilleurs élèves de la promotion. Il aurait pu légitimement tirer avantage de ses résultats sur beaucoup d’autres, ce qu’il ne fit jamais. Par nature, Auguste Comby était modeste et, à ses yeux, la modestie allait de soi.

Très doué physiquement, il s’adonnait dans le meilleur esprit aux sports qui demandent une grande dépense d’énergie. Avec d’autres qui, comme lui ne sont plus, je le revois sur cet ancien terrain de rugby de Coulaud. Le ballon sous le bras, il fonçait droit dans le trou vers les buts adverses. Sur un terrain de sport, son jeu était à l’image de sa personnalité. Auguste Comby ne connaissais qu’un style et qu’une règle qu’il devait à son éducation familiale : la correction et le ligne droite. »


Sport à l’école primaire supérieure d’Uzerche (à gauche - Doc. Mme Hilaire),

et à l’école normale d’Instituteurs de Tulle (à droite - Doc. JPC)


En octobre 1927, à la sortie de l’Ecole Normale, et à titre provisoire, il est nommé instituteur à Eyburie. Pour quelques semaines seulement…

Devançant l’appel, Auguste Comby est incorporé au 126° Régiment d’Infanterie de Brive la Gaillarde le 10 novembre 1927. Reçu au concours d’élève Officier de réserve passé quelques temps auparavant, il n’y restera que quelques jours : le 17 novembre, il rejoint l'École Militaire d’Infanterie et des Chars de Combat de Saint-Maixent (Deux Sèvres).

Car Auguste Comby croyait en l’armée. Il n’était certes pas un guerrier, et n’avait pas l’âme d’un baroudeur. Mais il voyait en elle le moyen d’établir la paix, là où elle n’était pas, et de la garantir ou de la maintenir, là où elle était menacée, de défendre la Patrie, enfin. Et il lui semblait tout à fait normal d’être prêt à s’investir personnellement dans ces actions.

Six mois après, il est nommé au grade de Sous-Lieutenant de réserve, par décret du 4 Juin 1928 (Journal Officiel du 7 Juin 1928), pour prendre rang le 15 Mai 1928. Il est alors affecté, en qualité de Chef de section, au 150° Régiment d’Infanterie en garnison à Landau, en Allemagne occupée. Renvoyé dans ses foyers, à la fin de son service, le 30 Octobre 1928, il passe dans la disponibilité le 10 Novembre de la même année. Il est alors nommé instituteur à Beaulieu puis à Vigeois. Il effectuera régulièrement ses stages de réserviste au 126° RI, à Brive ou au camp de La Courtine (Creuse). Le 25 octobre 1931, il est promu Lieutenant de réserve (décret du 7 janvier 1932).


Auguste Comby à Saint-Maixent (Doc. JPC)

Le 7 Septembre 1931, il avait épousé à la mairie de Saint-Jal (Corrèze) Elise, institutrice : une passion commune pour l’Enseignement. Ensemble, ils se retrouveront en poste à Meilhards, puis à Arnac-Pompadour (Corrèze). Quelques années de bonheur, au cours desquelles les jeunes époux, profitant de leurs vacances, visiteront toute la France, à bord de leur traction avant noire.

Mais la guerre s’annonce et c’est à Arnac-Pompadour que l’ordre de mobilisation touche Auguste Comby.


LA MOBILISATION


Dans son ouvrage « Le 126° Régiment d’Infanterie pendant la guerre 1939-1940 » (2), le Colonel Donnat raconte ce que fut la mobilisation au régiment de Brive.

« Au mois d’Août 1939, le 126° régiment est au camp de La Courtine où il exécute diverses manœuvres. En particulier, il étudie le 19 Août, en présence de hautes personnalités de l’armée, l’attaque d’éléments de la ligne Siegfried. Quelques-uns y verront peut-être après coup, un présage.

A ce moment là la tension politique est déjà grande. La possibilité, et pour certains même l’imminence d’un conflit avec l’Allemagne est nettement envisagée.

Le 20 Août, le régiment regagne sa garnison. Dès l’arrivée on apprend que les permissions sont supprimées et les permissionnaires rappelés. Le Colonel Duché, commandant le régiment, qui venait de partir pour sa permission annuelle avec sa famille, rejoint immédiatement son poste. C’est la première mesure préparatoire. Les autres vont suivre à une cadence accélérée jusqu’à cette soirée du 1° septembre qui verra apposer sur les murs de la ville l’affiche blanche de la Mobilisation Générale.

Dans l’intervalle, les casernements sont aménagés, les magasins d’habillement préparés. Les gradés et les hommes de la disponibilité et de la réserve affectés au 126°, mobilisés, sont rappelés et rejoignent.

Toutes ces opérations se déroulent comme prévu, sans incident et sans difficultés. Les hommes aussi bien de l’active que les disponibles ou les réservistes qui ont rejoint sont sérieux, soucieux et silencieux. Beaucoup cependant ne croient pas encore à la guerre imminente. Ils ont confiance dans la sagesse du gouvernement et espèrent que, comme en 1938, un compromis sera trouvé qui évitera l’irréparable.

Aussi, le 1° septembre, dès que l’affiche de la mobilisation est apposée, les fronts s’assombrissent. Dans les rues, sur les places, nombreux sont les rassemblements qui donnent à la ville une allure d’activité fébrile mais silencieuse.

Malgré cela, tout le monde ou à peu près, a rejoint son poste. Bien avant la date de la Mobilisation Générale les réservistes rappelés au titre des différentes mesures ont tous rejoint.

Le rappel des réservistes touche Auguste Comby le 27 Août 1939. Il rejoint aussitôt son régiment d’affectation à Brive, tout comme ses collègues enseignants, officiers de réserve : Martial Brigouleix, Jean Lair, Pierre Coudert, Pierre Gauthier, Léonard Boutouyrie, etc…. Un déchirement pour son épouse. Dans les lettres qu’il lui enverra par la suite très régulièrement, faisant fi de la réalité du terrain, et même si la totale discrétion sur les opérations était la règle, il essaiera, avant tout, sur un ton enjoué, inlassablement, de la rassurer, de la réconforter et de dédramatiser la situation.

Le Colonel Donnat poursuit son récit :

«  Le travail imposé à tous pour la mise sur pied des unités est considérable. Les officiers de réserve se heurtent à des difficultés insoupçonnables et que les leçons des Ecoles de Perfectionnement ne leur ont pas laissé entrevoir. Les officiers d’active les aident au maximum, se dépensant sans compter.

Déjà se crée ainsi cette collaboration féconde dans le corps des Officiers du Régiment. Dès le début, active et réserve fusionnent étroitement, l’esprit de corps du régiment prend naissance.

Parallèlement à ce travail de mise sur pied, les unités vont à l’exercice au fur et à mesure de leur formation. Il faut amalgamer tous les éléments, recréer les réflexes. L’excellent esprit de tous y contribue. Mais le travail est fait sans enthousiasme, beaucoup ne croient pas à la guerre, beaucoup espèrent que la guerre n’aura pas lieu.

Cependant, lorsque le Régiment prêt est rassemblé pour une ultime et émouvante prise d’armes, au cours de laquelle le Colonel Duché présente au drapeau ceux qui sont appelés à combattre et à mourir s’il le faut pour lui, chacun écoute silencieusement, on pourrait même dire religieusement, les paroles du chef et au fond de son cœur fait le serment de faire tout son devoir, si en dépit des espoirs secrets encore vivaces, la Patrie le demande. »

Auguste Comby avait été affecté au 3° Bataillon, comme Chef de section à la 10° compagnie que commandait le Capitaine Pierre Mouton, lui-même issu de la Réserve.


L’encadrement du 3° Bataillon à la déclaration de guerre,

extrait de  « L’Historique du 3° Bataillon du 126° RI » (3),

par Marcel Monteil, compagnon de combat d’Auguste (Doc. JPC).


Les officiers réservistes n’étaient pas hébergés à la caserne Brune, trop petite pour accueillir les nouvelles troupes, mais la plupart du temps ils devaient se débrouiller par leurs propres moyens pour trouver un gîte, sauf exceptions. Dans une lettre datée du 28 Août, Auguste raconte : « ce soir j’ai un billet de logement ; j’économiserai le prix de la chambre, et je dormirai probablement mieux…. ». Le point de chute dans ces conditions, c’était alors l’Hôtel Montauban, avenue de Toulouse à Brive, dirigé par René Sol. C’est aussi dans cet établissement qu’eut lieu avant le départ, une soirée rassemblant les copains Instituteurs, tous mobilisés. Pierre Gautier qui faisait partie de l’équipe raconte :

« A l’annonce du départ du 126° RI fixé au matin du 7 septembre, plusieurs d’entre nous prirent spontanément l’initiative de réunir un groupe de collègues corréziens dans un café de la ville, le soir du 6 septembre. Une bonne dizaine de camarades furent fidèles au rendez-vous et, malgré bien des efforts, je ne parviens qu’à me rappeler de trois noms : Martial Brigouleix, Auguste Comby et Pierre Coudert.

Notre rencontre, bien qu’empreinte de tristesse et coupée de silences, se prolongea assez tard, tant nous avions besoin les uns des autres, pour être moins seuls avec nos pensées, de la présence de camarades et d’amis qui savent se retrouver aux jours d’angoisse ou de malheur.

Aux approches de minuit, il fallut se séparer. Dehors, dans la rue obscure par l’extinction obligatoire des lumières, spontanément et sans vaines paroles, ceux qui avaient encore quelques jours de répit embrassèrent ceux qui allaient s’embarquer le lendemain à l’aube. » (4)

Auguste Comby faisait partie de ces derniers.


AUGUSTE COMBY : DE BRIVE, A LA MORT EN ALLEMAGNE


Pour « embarquer », le régiment avait été scindé en 6 « éléments » dont les départs en train étaient échelonnés du 6 septembre à 11 h 43 pour le premier, au 7 septembre à 11 h 03 pour le sixième, en passant par le troisième, celui d’Auguste, le 7 à 1 heure. C’était un départ pour une destination totalement inconnue. L’ambiance est alors lourde dans Brive, selon le Colonel Donnat :

« La population, peut-être déjà consciente du drame qui va se jouer, peut-être conservant au fond du cœur une secrète espérance de règlement amiable, assiste extérieurement impassible au départ de ses enfants dont certains auront, dans moins de huit jours, déjà consenti le sacrifice suprême à la victoire qui, à ce moment, ne fait pas de doute pour l’immense majorité. ».

Les conditions de confort sont satisfaisantes, si l’on en croit Auguste. Avec son humour et son souci constant de rassurer, il écrit sa première lettre dans le train, à l’aide d’un crayon à papier (il n’avait emporté ni son encrier, ni son porte-plume !), sur une page de cahier d’écolier : « En wagon, 7.9.39

…..Notre voyage d’agrément a commencé : un wagon de première classe, à raison de 4 par compartiment, nous permet de dormir convenablement, de manger à l’aise ; ce sont là nos principales occupations, avec une belote de temps en temps. Notre destination est inconnue. Dans le compartiment voisin, Besse, Boutouyrie, Monteil, reçoivent parfois ma visite. …. La trépidation contrarie mon crayon…. ». Mais peut être ce confort tout relatif était-il seulement réservé aux officiers.

Le 8, il poursuit son récit dans une deuxième correspondance : « A l’heure actuelle, nous longeons la Moselle….. Nous sommes sans nouvelles des événements, mais tout est si calme, même à l’approche de la frontière, que demain on nous priera de prendre le chemin inverse… ».

Le soir même c’est l’arrivée à Tieffenbach à 18 h indique brièvement le « journal de marche » du régiment (5), qui précise cependant : Débarquement et bivouac à Soucht pour la 3° compagnie. De Soucht, Auguste écrit quelques banalités : « J’ai l’impression que j’écris en pure perte, car dans nos pérégrinations, nous glissons dans n’importe quelle boîte nos lettres qui partiront qui sait quand. Nous ne recevons d’ailleurs aucune nouvelle, soit par presse ou par lettre. Il faut attendre au moins 8 jours pour que le courrier puisse circuler régulièrement. Nous soignons l’estomac…. »

Mais dans son « historique de 3° bataillon » publié après l’armistice, le Lieutenant Marcel Monteil, raconte une toute autre réalité :

« De Tieffenbach, le Bataillon doit se rendre à Soucht. Il se met en route par une nuit très noire, sur des chemins difficiles ; les hommes lourdement chargés peinent beaucoup. Aussi, n’est-ce qu’après avoir bivouaqué dans une forêt, que le bataillon atteint Soucht le lendemain vers 8 heures. La journée entière et la plus grande partie de la nuit sont consacrées au repos, dans ce calme petit village lorrain que n’a pas encore touché la guerre.

Nous ne devions pas nous endormir dans l’inaction : nous étions destinés à participer activement aux opérations offensives de la Sarre. De nuit, par petites étapes, nous nous rapprochons de la frontière. Les routes sont encombrées de lourds convois de toutes natures qui souvent se doublent ou se croisent : la marche de nos colonnes en est rendue lente et pénible. Nous commençons à entendre, au loin, gronder le canon.

Le bataillon bivouaque le 10 dans les bois d’Echenberg, le 11 à Kapellehof, hameau évacué, où, pour la première fois nous découvrons le spectacle lamentable de ces maisons sans âme où le désordre a remplacé la vie. Dans la nuit du 11 au 12, sous une pluie diluvienne, nous atteignons Epping-Urbach, le dernier village français avant la frontière. Nous sommes maintenant aux arrières immédiats de la ligne de bataille : la canonnade est toute proche ; on voit passer des autos du G.R.D. criblées de balles. »

La version d’Auguste Comby est bien différente : sourire, dédramatiser, rassurer restera son but jusqu’à la fin. Dans sa lettre du 11 septembre, la dernière qui soit parvenue à destination, il raconte :

«  J’interromps mon repos pour te donner de mes nouvelles : excellentes ! Après le départ à 3 h du matin, d’un bois où nous avons fait du camping (il a ses charmes), la nuit dernière nous avons atteint un village au nom germain où les habitants ont été évacués. J’ai supporté sans trop de fatigue les quelques 13 ou 15 km franchis dans une belle région. Je dois dire que la compagnie m’a doté d’une solide paire de souliers, les km ne paraissent plus. A la ferme nous avons fait provision de légumes et volailles abandonnés : 50 poulets, 3 porcs, 2 vaches. Tu vois, la famine n’est pas arrivée, avec ça, un appétit féroce. ….. Nous vivons un peu la vie primitive, sans réfléchir trop longuement à telle ou telle éventualité….. J’ai d’ailleurs l’impression que la frontière est calme. Nous n’avons pas encore de courrier. Après tous nos déplacements, la poste n’arrivera pas à nous trouver. Il doit y avoir un beau tas de lettres dans quelque coin. »

Retrouvons le récit du Colonel Donnat. Après avoir précisé que la 10° compagnie, celle d’Auguste Comby, stationnait alors avec une partie du bataillon à la lisière nord et ouest d’Epping-Urbach, il ajoute :

«  Le même jour vers 23 heures, le Colonel Duché, commandant le régiment, est au P.C. du 3° bataillon. Il donne de vive voix les indications ci-dessous :

« Le 3° Bataillon quittera immédiatement ses emplacements et se portera à Peppenkum, à cheval sur la Bichenalbe, en vue d’attaquer, le 13 au matin, dans des conditions qui seront fixées ultérieurement par écrit.

Mise en place terminée le 13 avant la pointe du jour ».

La nuit est très noire. Aucune reconnaissance n’a pu être faite sérieusement. Les mouvements de nuit en sont rendus très difficiles, surtout en raison des bombardements de 105 allemands qui frappent la région Peppenkum-Utweiler.

Cependant les unités sont en place le 13, vers 7 heures, prêtes à attaquer quand l’ordre sera donné. »


Marcel Monteil de son côté précise : le 13 septembre, le 3° bataillon « doit, en vue d’une attaque, occuper avant l’aube, une base de départ située de part et d’autre de Peppenkum, village allemand situé à 3 kilomètres de la frontière.

A la faveur de la nuit, nous gagnons sans incident les emplacements prévus. Utweiller, que nous traversons vers les 4 heures du matin, nous offre une première vision de la guerre : des maisons flambent, d’autres sont éventrées par le bombardement, un cheval tué est étendu sur la route, une auto n’est plus qu’un amas de ferraille… ».

L’ordre d’attaque, rappelé par le Colonel Donnat, est le suivant : il prévoit

« dans ses grandes lignes, une attaque du 3° bataillon le 13, à 11 h 30, en liaison avec l’Est, avec le 32° RI qui attaquera en direction des bois 309 et, à l’ouest, avec la 9° DI qui attaquera en direction du Hochwald Sud puis du Hochwald Nord, dont elle occupera la lisière N-E.

Trois objectifs successifs : 01 le Hungerberg, 02 le Hochreich, 03 Neu-Altheim côte 304.

L’artillerie préparera l’attaque de 11 h 15 à 11 h 30 en agissant sur le Simbach et la côte 311.

L’attaque est prévue en deux temps :

1°: à 11 h 30 les compagnies de tête débouchant de leur base de départ se portent d’un seul bond sur le premier objectif. L’attaque est appuyée par les feux du 2° bataillon qui occupe la lisière S-O du Nasserwald et par l’artillerie d’appui direct qui procède à un encagement sur le Hungerberg jusqu’à 12 h, puis sur le Hochrech.

L’artillerie d’action d’ensemble agit pendant ce temps sur Neu-Altheim et les côtes 337 et 304.

2°: à 13 heures, l’attaque sera reprise vers le deuxième objectif après qu’une base de feux aura été installée sur le Hungerberg. L’attaque est appuyée par des feux du 32° RI installés sur le Billenberg et par l’artillerie d’appui direct qui fera un encagement, d’abord sur 304, puis sur 337 et Altheim.

La couverture de l’attaque est assurée par la 9° D.I. et par les tirs du 2° bataillon en direction d’Altheim.

Deux sections de chars R. 35 sont prévus vers Peppenkum et doivent suivre l’attaque, prêtes à dépasser le bataillon en cas de besoin.

Une section du Génie est mise à la disposition du bataillon pour faire sauter les mines rencontrées.

Le P.C. du régiment est aux carrières de Selwen depuis le 13. »

Et Marcel Monteil continue d’égrener ses souvenirs :

« A 11 h 30, après une préparation d’artillerie très nourrie de 15 minutes, l’échelon de tête débouche de la base de départ. Le premier objectif est atteint sans trop de difficultés : l’ennemi sans doute surpris et en faible nombre, ne réagit encore que modérément. A notre gauche, le régiment voisin qui attaque avec des chars, progresse lui aussi.

A l’heure fixée, le Bataillon repart pour un nouveau bond. Cette fois, de sérieuses résistances se manifestent. Nous nous heurtons à des tirs de flanquement, provenant de mitrailleuses heureusement un peu lointaines, mais qui font néanmoins quatre blessés. Bientôt, ce sont des armes automatiques tirant de front et à distance rapprochée, qui nous prennent à parti. Puis, un tir d’arrêt d’artillerie bien ajusté s’abat sur nous. L’émotion première est vite maîtrisée : toute hésitation, tout retard eût été fatal. L’échelon d’attaque franchit le barrage d’un élan rapide qui permit d’éviter de lourdes pertes. L’objectif assigné est atteint en fin d’après-midi. L’attaque, vivement menée, a été une brillante réussite ; et nous n’avons à déplorer que quelques blessés, certains assez grièvement il est vrai.

Le Bataillon s’installe solidement sur le terrain conquis et commence à s’organiser. L’ennemi qui n’a pu arrêter notre avance, essaye de nous écraser sous un déluge d’artillerie. Pendant toute la nuit, nos nouvelles positions sont soumises à un violent bombardement, qui fait une quinzaine des blessés et 7 tués, parmi lesquels le Lieutenant Comby ».

C’était à la côte 304. Il venait d’avoir 31 ans. Il fut le premier Officier du 126° Régiment d'Infanterie de Brive à être Mort pour la France au cours de la guerre 1939-1945.

Le Colonel Donnat apporte quelques précisions : « Le Lieutenant Comby, le premier officier du 126° RI à faire le sacrifice de sa vie, a été grièvement blessé en fin d’attaque, au moment où il entraînait sa section dans un ultime assaut. Il est mort de ses blessures avant qu’aucun secours ait pu lui être apporté ! »

Et avec lui, rendons leur aussi hommage, 5 membres de son groupe désignés pour la mort par le hasard : le sergent Léon Appeyroux, le caporal Henri Lemergie, les soldats Louis Cournarie, Henri Nadaud et Armand Roca, auxquels il faut ajouter le soldat Romain Tilignac, blessé lors de l’attaque, qui devait décéder dès son arrivée à l’hôpital de Saint Louis les Bitche. Suivant les sources et les personnes, les décès sont enregistrés soit le 13, soit le 14 Septembre 1939.

Ainsi débutait pour le 126° RI, la campagne de Sarre.


AUGUSTE COMBY : APRES…

Auguste Comby a tout d’abord été inhumé dans la hâte, avec ses camarades du 126° RI, au cimetière civil d’Epping-Urbach (Moselle) où les derniers hommages leur furent rendus. Plus tard son corps sera transféré au cimetière militaire de Saint-Louis-les-Bitche (Moselle). En Juin 1969 enfin, il sera exhumé et réinhumé dans la nécropole nationale de Metz-Chambière (Moselle), où il repose depuis, à l’ombre d’une de ces petites croix blanches qui peuplent tant de nos cimetières.








Les tombes d’Auguste Comby et de ses camarades à Epping-Urbach.

Ci-dessous, sa tombe au cimetière militaire de Saint-Louis les Bitche.
















Sa dernière demeure à la Nécropole Nationale de Metz-Chambière                     (sa tombe est ci-dessus au deuxième rang au centre)


Pour sa belle conduite au combat, Auguste Comby fut cité à l’Ordre de la Division. Voici le texte de sa citation :

« Comby Auguste, Lieutenant de réserve, chef de section d’une bravoure et d’un entrain remarqué. Au cours de l’attaque du 13 septembre 1939, a entraîné sa section au combat avec un brio qui a fait l’admiration de tous.

La section étant prise sous un violent bombardement et menacée sur le flanc par des feux de mitrailleuses, a été tué au moment où il entraînait lui-même un de ses groupes qu’il portait en avant pour mieux défendre la position conquise. »

Il fut à titre posthume nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur (décret du 3 Mai 1940, publié au journal officiel du 7 Mai 1940), et décoré de la Croix de Guerre 1939-1945.

A Brive, en ce début de guerre, la presse locale et régionale avait passé le drame sous silence, se contentant de publier les communiqués lénifiants du Grand Quartier Général, ou bien des pages entières, optimistes, sur les soutiens que ne manqueraient pas d’apporter les alliés de la France, leurs forces ou leurs préparatifs. Pourtant, on ne sait comment elle était arrivée, l’information avait circulé comme une traînée de poudre dans la ville. L’émotion était intense, comme nous l’a raconté une ancienne secrétaire sténo-dactylo des Transports Pouget de l’avenue de Paris, alors immergée dans la vie de la cité. Il faudra attendre le 5 Novembre pour que l’un de ces titres relate en rubrique de Pompadour, sans commentaire, la mort au combat d’Auguste Comby, l’Instituteur, et de Louis Cournarie, le limonadier.



Trois sépultures successives, avons-nous dit, ont accueilli la dépouille d’Auguste Comby. Aussi curieux que cela soit, son nom est gravé sur 3 monuments aux morts de 3 communes corréziennes. A Saint-Ybard, tout d’abord où il était né. A Saint-Jal, d’où était originaire son épouse et où tous deux s’étaient mariés. Enfin sur la stèle commémorative des Instituteurs corréziens morts pour la France, implantée dans la parc de l'École Normale de Tulle (6).


La plaque commémorative avec son nom sur le Monument aux Morts de Saint-Ybard

Ultérieurement, le Maire de Saint-Jal recevait du « Secrétariat Général des Anciens Combattants », pour remise à la veuve d’Auguste Comby, une boîte avec valeur déclarée contenant quelques souvenirs de son époux : sa plaque matricule et deux billets de banque retrouvés dans ses poches…



Le sacrifice de l'enfant de Saint-Ybard n’a pas totalement disparu des mémoires. L’on peut en particulier rappeler qu’en 1991 son nom a été donné à une promotion d’élèves officiers de réserve de l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier. Le Colonel Renault, qui commandait à l’époque le 126, aujourd’hui Général de Réserve et ancien Président de l’Amicale des Anciens du régiment, et le colonel Vitrat, son prédécesseur à la tête de l’Amicale, représentaient à ces manifestations le régiment de Brive, les 26 et 27 Janvier 1991.

En 2007, le Général Renault déclarait encore : « Auguste Comby reste un grand nom, parmi les anciens du Régiment ».


BIBLIOGRAPHIE - NOTES


1 – « Le livre d’Or des Instituteurs Corréziens Morts pour la France en 1939-1945 » : ouvrage collectif publié en 1969 par L’Association Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole Normale de Tulle, avec le concours du Conseil Général de la Corrèze et de Conseils Municipaux du Département.Imprimerie Maugein et Cie, 4 rue Anne Vialle à Tulle. Archives familiales de l’auteur. Ce document peut être consulté à la bibliothèque du Musée Edmond Michelet à Brive.

2 – « Le 126° Régiment d’Infanterie pendant la guerre 1939-1940 » par le Colonel L. Donnat. Imprimerie Chastrusse, Praudel et Cie à Brive – Dépôt légal 5-42. Côte BR 344 aux Archives Départementales de la Corrèze.

A partir de Mars 1940, le Lieutenant-Colonel L. Donnat avait succédé pendant quelques semaines à la tête du 126° RI au Colonel Moïse-Edouard Duché, appelé aux fonctions de Chef d’Etat-Major du 18° Corps d’Armée. Il était auparavant Chef d’Etat-Major de la 25° Division. Il a été blessé et fait prisonnier en Juin 1940, à Crépy-en-Valois (Oise). Il a écrit cet ouvrage en 1941, à son retour de captivité, en se basant sur ses propres souvenirs, et en faisant appel aux souvenirs personnels des officiers et sous-officiers du régiment.

3 – « Historique de 3° Bataillon du 126° RI », ouvrage rédigé par le Lieutenant Marcel Monteil, un ancien du Bataillon, où il exerçait la fonction d’Officier-adjoint d’Etat-Major. Il écrit en préambule : « A LA MEMOIRE DE MON EXCELLENT CAMARADE AUGUSTE COMBY QUI, UN DES PREMIERS, TOMBA EN TERRE ALLEMANDE ». Ce document a été publié avant celui du Colonel Donnat qui le cite à plusieurs reprises dans son texte. Imprimé par Chastrusse, Praudel et Cie à Brive, il a été édité en un très petit nombre d'exemplaires. Le document cité fait partie des archives familiales de l’auteur.

4 – Pierre Gauthier, avait été incorporé comme Lieutenant, Chef de Section, au 326° régiment d’Infanterie en formation à la caserne Brune. Son départ pour le front avait eu lieu quelques jours plus tard.

5 – « Journal de Marche du Régiment ». Le document d’origine est conservé au Service Historique de la Défense au château de Vincennes (94). Le 126° régiment d’infanterie de Brive en possède depuis peu une copie partielle.

6 – Bâtiment aujourd’hui occupé, sur les hauteurs de Tulle, par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales. La stèle, entourée d’une verte pelouse, existe toujours dans son enclos ; elle est régulièrement fleurie.




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