"BONUS 1" SAINT-MARTIN : HISTOIRE DE PORTES
Notre « BONUS » va être consacré aux entrées nord de la collégiale Saint-Martin. Il trouve sa source première dans un article publié en 1970 par Marie-Rose Guillot, dans les pages 221 à 223 du tome 92 du bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze (BSSHAC). Les images, sauf une, ont été ajoutées par nos soins. L'ancienne Conservatrice du Musée Ernest Rupin et Archiviste municipale évoque la porte latérale nord de la collégiale, aujourd'hui connue sous le nom de « porte des Lions ».
La "porte des Lions" ou "porte aux Lions" doit son nom aux deux lions sculptés dans la pierre, au-dessus et de part et d'autre de la porte, aujourd'hui érodés par le temps. (Clichés JPC)
L'auteure remonte à la période post-révolutionnaire, et écrit :
"... Il faut arriver au 8 avril 1802 pour le vote de la loi rétablissant le culte catholique en France, et que Bonaparte avait proposé. Voici donc une nouvelle existence légale de Saint-Martin comme église catholique. A cette époque du Premier Empire, nous avons une indication intéressante, du 24 prairial de l'an 13 (17 juin 1805). M. Massénat avait acquis une parcelle de terrain (B sur le plan) près de la porte actuelle, coté nord ; or cette porte (C) qui était l'entrée principale du Prieuré, avait été murée vers 1760, mais réouverte depuis la démolition du cloître et la transformation de l'ancien jardin du prieuré en place publique. M. Massénat demandait la permission de fermer cette porte pour lui permettre de construire un bâtiment qui toucherait la pile de l'église. Bien entendu, le demandeur proposait d'ouvrir à ses frais une porte (D) dans le bras nord du transept, ce qui a été approuvé en ces termes, le 23 juin 1805 : "Considérant que la porte que le Sieur Massénat prétend fermer est située de manière à gêner le prédicateur en face duquel elle se trouve, et les auditeurs que les allant et venant dérangent à chaque instant ; que le corridor qui resterait non bâti (B) serait dangereux, toujours sale, malsain, indécent et préjudiciable à l'église par l'humidité qu'il entretiendrait ; que la porte que le Sieur Massénat offre de faire ouvrir sera un embellissement pour la place, [le Conseil] estime que la proposition Massénat doit être acceptée, comme étant très avantageuse à la commune et à l'église, et invite le général Préfet à l'approuver ." [....] C'est donc de 1807 que date l'ouverture de cette porte."
L'immeuble Massénat sera construit à la suite, vers 1808.
Voici la légende du plan publié par M-R. Guillot dans le même article, et qui présente la Collégiale et ses abords, vers 1830 : A : emplacement du terrain propriété de Mr Massénat B : parcelle de terrain achetée en plus par Mr Massénat C : porte latérale nord existante, que souhaite murer Mr Massénat D : porte latérale à ouvrir dans le transept nord G : maison commune, avec 2 passages publics permettant d'accéder à la Place au Blé, ancien jardin du Prieuré K : propriété Gourdal L : porte du transept sud Tout en bas, à gauche, la Place du Marché
Tous ces renseignements sont confirmés et complétés par un article bien antérieur publié par Louis de Saint-Germain dans le BSSHAC de 1906 (page 35) : bien qu'il soit plus ancien, nous l'avons découvert après celui de Melle Guillot, c'est pourquoi nous le citons maintenant seulement. L'auteur, dès cette époque, avait écrit :
"[....] Après la révolution, M. Massénat, notaire, avait acquis comme terrain national une partie de l'emplacement du cloître et se proposait d'y bâtir la maison qui existe encore. Il obtint par décret du 16 mai 1807, la cession d'un autre terrain de 63 m² moyennant 200 francs, et l'autorisation de prolonger son bâtiment jusqu'à la pile du bras de croix à la condition d'ouvrir à ses frais, au milieu du bras de croix, entre les deux piles, une porte en face de celle qui existait déjà dans l'autre bras de croix et qui donne sur la rue de la Petite-Place. L'église Saint-Martin ayant été classée comme monument historique, la porte ouverte par M. Massénat a été supprimée en 1905 par l'Administration des Beaux-Arts et remplacée par une petite porte de secours". Albert de
Laborderie avait aussi évoqué le même sujet en 1935 dans le tome 57 du BSSHAC, à la page
15 : « En 1808, la porte qui donnait accès des cloîtres à l'église fut obstruée, et en revanche il fut ouvert à l'extrémité des bras de la Croix un portail. Ce portail fut aboli [....] et remplacé par la petite porte de secours actuelle. » Il reprenait ainsi à son compte les données publiées par Louis de Nussac à la page 69 du BSSHAC de 1922 (tome 44). Même si quelques divergences de dates apparaissent chez les différents historiens brivistes auxquels nous nous référons, tous confirment la construction par le notaire Massénat d'une grande porte dans le transept nord, puis son remplacement par une "petite porte de secours". ************ Nous n'avons aucune belle image du grand portail ouvert dans le transept nord, alors que la porte des Lions était murée. Elle apparaît toutefois en petit, à l'extrême gauche, sur quelques rares cartes postales anciennes. En voici deux, ainsi qu'un agrandissement, où l'on remarque également le fameux grand immeuble du notaire Massénat :
Cliquez sur les images pour les agrandir (Col. JPC/net) (Doc. M. V.) Comme on le voit,
cette porte était imposante et très haute puisqu'elle atteignait
presque le deuxième étage de l'immeuble Massénat. On note aussi que les piliers latéraux avaient été taillés en biseau, afin d'alléger l'ensemble, ou de l'aérer, sur le plan architectural. Sur la gauche de cette carte, l'échafaudage qui a vraisemblablement servi pour murer le grand portail (ce n'est qu'une hypothèse, et nous n'en avons aucune preuve) ====>
De l'extérieur, il ne reste que très peu de traces du grand portail muré : le travail a été très bien fait. Cependant, en examinant attentivement la muraille, on remarque que les pierres, à partir d'une certaine hauteur, c'est à dire au-dessus de la fameuse grande porte, sont plus anciennes. Par contre de l'intérieur de l'église, ses traces apparaissent très nettement, ainsi qu'en témoignent les photos qui suivent, prises au début de l'année 2013 (Clichés M. V.).
Sur les deux clichés, les traces de l'ancien grand portail sont visibles, pratiquement jusqu'au sommet du tableau. Vous ne les aviez jamais remarquées ?
Mais on aimerait bien voir plus en détail ce qu'il y a sous ce grand tableau. On l'enlève ? Le Service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel de la Région Limousin nous en donne la possibilité, en nous autorisant à publier ce cliché qui date de 1990 : les traces de l'ancien grand portail apparaissent maintenant dans leur totalité ===>
Quant à « la petite porte de secours », on la devine, tout au plus, sur quelques cartes postales postérieures aux précédentes. Malheureusement, les clichés n'ont pas été pris de face, mais très en biais (Col. JPC/net) :
=¤=¤=¤=¤=¤=¤=¤=¤= Et voici la fin
de l'histoire pour laquelle certaines précisions de dates nous
manquent. Les maisons ventouses accolées à la collégiale du coté nord, seront détruites avant la fin de l'année 1912. La porte des Lions pourra alors être restaurée et elle reprendra du service. "La petite porte de secours", devenue inutile, sera à son tour murée. Ici, les maisons ventouses ont été démolies, "la petite porte de secours" est toujours en place, et la porte des Lions est en travaux, en vue de sa réouverture ===> (Col. M. V.)
Dans l'intérieur de la collégiale, au fond du bras nord du transept, notre « petite porte de secours » a, elle aussi, laissé sa trace : nous l'avons teintée dans la photographie qui suit, pour mieux la repérer :
(Doc. M. V.)
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"BONUS 2" SAINT-MARTIN : UNE AUTRE HISTOIRE DE PORTE
C'est en relisant d'anciens numéros
du bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de
la Corrèze, que notre complice M. V. a "re-trouvé" des informations
intéressantes, oubliées de tous, au sujet d'une autre porte de la collégiale
Saint-Martin.
A la page 35 du bulletin de 1906, l'érudit Louis de Saint-Germain écrit : "D'autre
part en 1745, au chevet de l'église et au-dessus du bras de Croix, au
nord, une porte donnait accès à la sacristie, qui fit l'objet d'une
vente nationale au profit du sieur Gourdal [...]. En sortant de l'église
par la sacristie, on arrivait au cimetière".
Plus tard, à la page 79 du bulletin de 1922,
l'historien Louis de Nussac écrit de son coté en évoquant les maisons ventouses
accolées aux murs de l'église : "Jusqu'au transept nord, ces boutiques
et constructions s'étaient développées en cercle autour de l'abside;
dans le coin même du transept, le citoyen Gourdal avait acquis un petit
bâtiment en relation directe avec l'église puisqu'il servait de
sacristie : on en voit encore les traces, avec un arceau sur les murs
extérieurs de l'abside".L'historien Louis de Nussac dans "La revue Limousine" du 15 août 1925.
Cette porte entre l'église et la sacristie ancienne a depuis longtemps été murée, mais sa trace reste encore très visible de l'extérieur en 2016. Elle questionne d'ailleurs l'observateur, avec la présence de cet espèce de haut pilier qui coupe en deux son emplacement. Et M. V. a, dans un premier temps, formulé à ce sujet une hypothèse, qui à défaut d'être étayée par des écrits, se révélait tout à fait vraisemblable. Le pilier est en fait un arc-boutant, ou contrefort, construit après que la porte ait été murée, dans le but de renforcer la structure même de l'édifice. Il en existe d'ailleurs un semblable du coté sud de l'édifice. On sait en effet que d'importants travaux de consolidation ont régulièrement été effectués pour éviter qu'il ne s'effondre. (Cliché JPC - 27 février 2016)
Le contrefort nord sur l'emplacement de l'ancienne porte.
La preuve est venue un peu plus tard, et M. V. l'a découverte sur la base "Mémoire" de la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine (qui a bien voulu nous donner une autorisation générale de reproduction de ses documents). La photographie de 1890 qui a attiré l'attention de M. V. ne concerne pas la porte de l'ancienne sacristie, mais l'autre coté du chevet, au sud, identique au coté nord qui nous intéresse. © Ministère de la Culture et de la Communication, Médiathèque de l'architecture
et du patrimoine, Dist. RMN-GP.
Cliché Alfred Nicolas, architecte, 1890. Autorisation de reproduction du 14-06-2016. Une vue du coté sud du chevet, avant une grande campagne de restauration. On se rend compte de l'état d'alors de la collégiale,
avec la vue d'un délabrement avancé, à laquelle nous avons heureusement échappé grâce à l'investissement de nos anciens. Le contrefort sud de la construction est visible au centre, tout en haut de l'image.
Il est partiel et repose sur le mur de l'abside centrale. On le voit également, sous une forme ancienne, sur les deux vieilles photographies que nous avons présentées dans notre étude sur les trois derniers clochers de la collégiale (vers le bas de la page, ici : CLICK ). Son profil sera par la suite repris. La partie qui descend jusqu'au sol n'a pas encore été construite. © Ministère de la Culture et de la Communication, Médiathèque de l'architecture
et du patrimoine, Dist. RMN-GP.
Cliché Jean-Jacques Sill, architecte, 1959. Autorisation de reproduction du 14-06-2016. Sur cette deuxième photographie, beaucoup plus récente, on peut voir l'ensemble du contrefort.
Et M. V. poursuit sa démonstration : Photos intérieures (Clichés M. V. du 16-08-2013) Mais une visite sur place sera plus parlante.
"En tout cas Saint-Martin a été un véritable gruyère, et toutes ces portes ont contribué à mettre l'édifice en péril". |