- à Chasteaux, avec l'énigmatique rocher de Pille-Brive



Il n'est pas à Brive, mais sur la commune voisine de Chasteaux (19). Le nom qui lui a été donné au cours des temps nous ramène cependant au chef-lieu d'arrondissement. De nos jours, pas grand monde ne le connait, d'autant plus que maintenant il est bien dissimulé dans sa forêt, et qu'à notre connaissance, deux cartes postales anciennes seulement lui ont été consacrées. Les voici :




La tradition raconte qu'il s'agit d'une ancienne forteresse romaine qui servit de refuge au moyen âge, puis de repère de bandits. Philibert Lalande va nous donner son avis à ce sujet dans un moment, et nous la situer. Il est l'auteur de la photographie de droite. Nous avons déjà utilisé les services de cet érudit d'autrefois dans notre sujet "L'Aigle, le Lion et leur environnement des grottes du Chastanet", ici : CLICK.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous avons voulu aller voir de plus près cette curiosité, accompagné de notre reporter-photographe J. N. et de sa précieuse assistante M. N. Ce n'est qu'à notre quatrième tentative que nous avons réussi à l'atteindre, sans franchir aucune clôture de fils de fer barbelés, ni traverser les propriétés exploitées, comme nous l'avions souhaité. Car l'accès est difficile, dans un environnement pentu, parsemé par endroits d'énormes rochers où des chutes de pierres ne sont pas à exclure, au milieu d'une végétation souvent devenue épaisse : la promenade n'est pas recommandée.



Clichés

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Premières approches.

Voici donc le compte-rendu qu'a fait Philibert Lalande de ses différentes visites sur place à partir de 1865, et son point de vue sur l'histoire du lieu. Il a été publié dans le bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique le la Corrèze de 1884, tome 12. Il sera parsemé des photographies prises par notre équipe par une belle journée d'hiver, alors que la nature était encore endormie.

"Le touriste qui parcourt la route de Chasteaux à Nespouls (chemin de grande communication n° 19 (aujourd'hui route départementale 19, NDLR) peut remarquer sur sa droite, avant d'arriver au hameau du Sorpt, un rocher creux comme une niche et surmonté d'une ruine informe; il se dresse comme un obélisque, sur le flanc d'un coteau jurassique. C'est Pille-Brive. La hauteur de ce rocher est, au nord, d'une trentaine de mètres; elle va en décroissant à l'est et à l'ouest, en raison de la déclivité du terrain, dont la pente ascendante se trouve au sud, où le relief au-dessus du sol n'est plus que d'une dizaine de mètres. Le sommet est couronné de deux pans de murs encore debout.



Clichés

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Vestiges des fortifications du sommet, avec une petite fenêtre percée dans la muraille.
(cliquez sur les images pour apprécier les détails)

Les matériaux de construction consistent en galets calcaires recueillis aux alentours et noyés dans un ciment très dur, fait avec une terre argileuse prise dans le voisinage comme les galets, et que l'oxyde de fer colore fortement en rouge. L'épaisseur de ce mur est de 1,00 mètre à 1,25 m. La hauteur de l'un des pans est d'environ 3 mètres; l'autre est percée d'une ouverture carrée de 0,35 m de coté.

Le roc est très escarpé, la paroi la plus accessible est celle du sud, et les abords semblent avoir été défendus de ce coté par des fossés semi-circulaires dont on peut reconnaître quelques traces.

Une cavité, béante sur la face exposée au nord, occupe une partie de l'intérieur du rocher; un étroit sentier, une vraie corniche, permet d'y arriver, et l'on y pénètre par une ouverture triangulaire aux parois de laquelle adhèrent encore quelques lambeaux de ciment rougeâtre. Cette grotte naturelle a 11 mètres de largeur, 10 mètres environ de hauteur et 5 mètres de profondeur; un escalier dont il reste quelques vestiges la mettait en communication avec les constructions de la plate-forme.



A gauche, l'accès vers l'intérieur du rocher; plus vraiment de corniche pour l'atteindre, mais on y est quand même arrivé !
A droite, la même ouverture vue de l'intérieur.

(Clichés JPC)





La cavité intérieure est envahie par la végétation. Dans sa partie supérieure, la roche forme en quelque sorte un auvent de protection. Lors de notre visite nous n'avons remarqué aucune trace de l'escalier décrit par Philibert Lalande; de toute façon, vu l'état des lieux, il n'était aucunement envisagé de monter au sommet fortifié du rocher.

Philibert Lalande poursuit son récit : "Mieux encore que ma description, le dessin de M. Rupin donnera une idée exacte de cet ensemble bizarre.

Pille-Brive : dessin d'Ernest Rupin illustrant l'article de
Philibert Lalande dans le BSSHC déjà cité ===>

Je visitais Pille-Brive pour la première fois en 1865 avec M. Rateau, inspecteur des écoles primaires, et M. Dufour, alors maire de Chasteaux. M. Dufour, propriétaire de ce tènement, nous dit avoir trouvé aux abords du rocher une pointe de lance et des fers de chevaux; mais il ne put, à mon grand regret, me montrer ces objets qu'on avait malheureusement égarés.
M. Rateau voudrait faire remonter à l'époque romaine la date des constructions : "A deux kilomètres du bourg, près de l'habitation du maire, on trouvera un rocher gigantesque taillé à pic, sur lequel on remarque les vestiges d'une forteresse romaine qui servit de refuge, au moyen âge, à quelques bandes de routiers. On l'appelle dans le pays le rocher de Pille-Brive" (Études sur le département de la Corrèze -1886, page 120).

Rien dans l'appareil des murs encore debout ne rappelle les constructions romaines, et la trouvaille d'un fragment de tuile à rebords que nous avons recueilli ensemble à une certaine distance du rocher n'est pas un argument qu'on puisse invoquer à l'appui de l'assertion de M. Rateau; cet auteur est également trop affirmatif lorsqu'il ajoute que "cette forteresse servit de refuge au moyen age, à quelques bandes de routiers". C'est possible, mais aucun document ne vient confirmer cette seconde assertion.
Le fort de Pille-Brive ne pouvait abriter qu'une poignée d'hommes, et il était impossible d'y emmagasiner assez de provisions pour se trouver en mesure d'y soutenir un siège; au bout de quelques jours de blocus, une garnison eût été contrainte de se rendre à merci. Il ne faut donc y voir qu'un lieu de refuge temporaire, un repaire de bandits, si l'on veut. On prétend dans le pays que le célèbre Mandrin s'y était retiré après avoir pillé les caisses publiques de Tulle, voire même de Brive. Si le fait était vrai pour Brive, le nom original que porte ce petit coin de la commune de Chasteaux, se trouverait expliqué de cette façon; mais Béronie ne parle que de Tulle, et ne donnons pas à un racontar plus d'importance qu'il n'en mérite !

Le fond et une partie du plafond de la cavité intérieure du rocher (Cliché JPC)

Cette ruine pittoresque n'offre en réalité qu'un intérêt restreint : nul au point de vue historique, presque nul au point de vue archéologique. Pille-Brive est une curiosité qui peut fixer un moment le regard du voyageur, et si j'ai cru devoir lui consacrer quelques lignes, c'est parce que notre Société se propose d'attirer l'attention sur tout ce qu'offre d'intéressant notre pays à divers points de vue. Et qui sait, l'éveil étant donné, si le hasard ne fera pas découvrir un jour quelque document pouvant nous apprendre quand et par qui fut fortifié ce rocher dont nous ignorons l'histoire ! "
                                                                                                                                            Ph. Lalande


Philibert Lalande reviendra à nouveau sur le sujet de Pille-Brive dans le BSSHAC de 1890 (tome 12) pour préciser "que ce lieu était désigné sous ce nom de Pille-Brive dès 1448, ce qui met à néant la légende locale d'après laquelle il devrait son nom aux exploits de Mandrin, le célèbre voleur du siècle dernier, qui s'y serait réfugié après avoir pillé Tulle et Brive".
Le bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de La Corrèze (celle de Tulle) abordera lui aussi le sujet en 1912, sans rien apporter de nouveau, juste pour confirmer les analyses de Philibert Lalande.

Bref, on ne sait toujours rien sur Pille-Brive.














































Quelques autres photographies de Pille-Brive (Clichés JN et JPC - 15 février 2021)

(15 juillet 2021)
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