Le Colonel Germain n'est pas né à Brive. Mais ses liens avec notre
ville étaient puissants. Ce sont ceux-là que nous avons choisi de
privilégier dans notre récit. Nous limiterons par contre le plus possible le récit de sa
brillante carrière militaire; c'est pourtant celle qui
fait que son nom est resté dans l'histoire coloniale de la France, et celle des grandes explorations, de l'Afrique en particulier.
Des pages de notre Histoire, parfois contestées de nos jours...
C'était une autre époque !
Germain, alors Capitaine, dans Le Monde Illustré
du 30-5-1899, page 448 ===>
(Doc. gallica.bnf.fr - cliché J-B. Beynié)
A
la création de notre site nous avons déjà consacré une page aux cartes
postales représentant sa statue élevée sur la place Thiers. C'est ici : CLICK.
En plus du monument qui lui est consacré, Joseph Germain possède
aussi un boulevard et un square à son nom dans la cité.
Armez vous de
courage pour nous suivre maintenant, notre sujet va quand même compter 7
paragraphes; certains sont courts, d'autres plus longs !1 - SA NAISSANCE, SES ORIGINES BRIVISTES, SES ÉTUDES |
Ses origines brivistes sont détaillées dans la revue Lemouzi de janvier 1899 (p. 86), consultée sur gallica.bnf.fr.
Son acte de naissance (AD 15/Internet - cote 5 Mi 221/5 - page 59)
(cliquez sur l'image pour la lire)
Par sa mère, née Bonestève, il appartient à une famille briviste, représentée encore [Rappel : le récit est de 1899, NDLR] dans notre ville par Mmes
Jules et Charles Soumet, nées Germain, par MM. Soumet frères, l'aîné
conseiller municipal, et dont l'un des membres, M. Roche, juge de paix à
La Haye-Descartes [Indre et Loire], a occupé les fonctions importantes de maire de Brive et de président du Tribunal de commerce.
Après
avoir fait ses premières études au collège de Brive, Joseph Germain fit
ses classes supérieures au Lycée d'Angoulême et au Lycée Saint-Louis [à Paris]. Entré à l’École Polytechnique en 1885, il en sortait en 1887, sous-lieutenant. Élève de l’École d'Application [de Fontainebleau] du 1er octobre 1887 eu 1er octobre 1889, il quitte cette école avec le grade de lieutenant dans l'artillerie de marine".
2 - RÉSUMÉ DE SA CARRIÈRE MILITAIRE |
Cette carrière s'est déroulée en grande partie en Afrique, dans le cadre de la conquête coloniale.
Nous
reprenons pour commencer, le résumé qui a été publié au moment de ses
obsèques par La République de la Corrèze dans son numéro 4590 du 15
juillet 1906 (AD19 - cote 62Pr 21).
"Parti
pour le Sénégal le 20 septembre 1890, il fut attaché à l'état-major du
colonel Archinard, chef de l'expédition, et prit une part brillante aux
opérations contre les Toucouleurs. Pendant la campagne du Soudan, au
combat du gué de Komak-ama où il commandait la cavalerie auxiliaire, son
cheval fut tué sous lui. Il fut cité à l'ordre du jour et fut proposé
pour la Légion d'Honneur, sous le libellé suivant :
"A
fait preuve d'un brillant courage et d'un remarquable sang-froid dans
la reconnaissance du marigot Sambo-ko. S'est particulièrement distingué à
l'attaque du marigot de Baratoumbo où il a amené son peloton sur la
barricade, sous un feu violent, au moment même où elle était enlevée par
l'infanterie, et a poursuivi l'ennemi presque aussitôt qu'il en eut
alors donné la position." [Il avait alors 28 ans.]
Il fit partie de la mission du Haut Oubanghi (1er juillet 1894) et assista à l'affaire de Kong (colonne commandée par son compatriote Monteil).
Rentré
en France en 1895, il fut placé au Laboratoire central des poutres et
salpêtres et repartit pour l'Oubanghi en 1896 avec la Mission Marchand,
comme commandant en second."
C'est la mission Congo-Nil, qui durera de 1896 à 1899, dirigée par le Commandant Marchand. Elle avait pour but de rallier l'ouest à l'est de l'Afrique.
(d'après le supplément au journal Le Temps, du 25 mai 1899, consulté sur gallica.bnf.fr)
Quelques lignes tirées d'Internet montrent la difficulté de la mission dont Germain était tout particulièrement chargé, le convoyage du bateau le Faidherbe :
"Ils s’engagent dans une région marécageuse inconnue et réputée
infranchissable. Marchand veut un bateau pour pouvoir naviguer sur le
bassin du Nil quand il l’aura trouvé. Il réquisitionne le Faidherbe, une
vedette de 15 mètres, avec deux chaudières d’un seul bloc de près d’une
tonne chacune. Pour le passer du bassin du Congo au bassin du Nil, il
faut le démonter, le décortiquer, le transporter en un millier de
ballots par la piste sur 800 km. Il faut pour transporter les
chaudières, ouvrir une piste de quatre mètres de large, construire des
passerelles de bois pour franchir ravins et rivières, niveler le sol,
tirer sur des rondins. Il faudra remonter l’ensemble, utiliser des
rivets venus de France et le vapeur naviguera sur le Soueh, affluent du
Nil pour parvenir finalement lui aussi à Fachoda". Fachoda et sa région que, à la suite d'un accord diplomatique avec les anglais qui convoitaient aussi ces nouveaux espaces, la France abandonnera !
Les officiers de la Mission Congo-Nil. Marchand est au centre. Germain est à sa droite sur la photo ci-dessus, et au-dessus de lui sur le montage ci-contre.
(Doc. site www.military-photos.com/fachoda pour la photo de groupe, et Le Monde Illustré du 30 mai 1899, page 448, consulté sur gallica.bnf.fr, pour le montage de droite).
Retrouvons le récit du journal La République.
"Après Fachoda il fut promu officier de la Légion d'Honneur le 10
octobre 1898, puis, peu après son retour en France en 1901, nommé
commandant, et un an plus tard partit pour l'expédition de Chine comme
aide-de-camp de l'amiral Pottier. Il fut entre temps détaché de l'amiral
et nommé préfet de Tien-Tsin, commandant du corps d'occupation
d'artillerie; il alla ensuite en Mandchourie; à son retour il
fut [à 38 ans] promu lieutenant-colonel et nommé sous-chef de bureau du service
technique de l'artillerie au ministère de la guerre, fonctions qu'il
occupait quand la mort impitoyable est venue arrêter une carrière toute
pleine d'avenir de notre éminent compatriote."
Il n'avait que 41 ans.
3 - SON TRIOMPHAL RETOUR A BRIVE |
Revenons un peu en arrière avec 2 épisodes marquants de sa vie.
C'est
le 5 juin 1899 qu'eut lieu le retour à Brive du capitaine Germain,
après ses épopées sur le continent africain. La ville lui offrira une
réception grandiose. L'hebdomadaire La Croix s'en souvient, dans son numéro
1101 du 26 juillet 1914 (AD19, cote 68PR 15).
"Ce
fut une journée inoubliable. Aucune fête nationale ne fit arborer tant
de drapeaux, ne fit jeter autant de fleurs. L'avenue de la gare, la rue
de l'Hôtel de Ville, la rue Toulzac, la rue des Sœurs [actuelle rue de la République], l'avenue Bourzat, toutes celles par où devait passer le capitaine Germain étaient tapissées de guirlandes.
A la gare, Germain fut reçu par le conseil municipal, les écoles et le sociétés de la ville. M. Simbille, maire, M. le colonel Penaud, M. Borie, président de la Phalange Glorieuse, prononcent les discours; chaque école y a de son bouquet de fleurs et pendant ce temps là, la "Lyre briviste" exécute une cantate patriotique dont les paroles avaient été composées pour la circonstance par M. Miremont, président de la Société.
Entouré des personnalités, le capitaine Germain descend les escaliers de la cour de la gare.
L'avenue est noire de monde (Col. Maryse Chabanier).
L'avenue de la gare est noire de monde. La police, les pompiers et une compagnie du 14e
assurent l'ordre, et le cortège entre en ville : en tête les gendarmes à
cheval et les pompiers, puis le capitaine Germain entouré de MM.
Labrousse, sénateur, Lachaud, député, Simbille, Maire, et le conseil
municipal, enfin la foule, pressée, interminable, qui crie : Vive
Germain ! Vive l'armée !
Devant
l'hôtel de ville, les cloches sonnent, la musique militaire joue la
"Marseillaise", la foule acclame Germain tandis qu'il parait au balcon;
le spectacle est grandiose.La foule, rue de l'Hôtel de Ville, sur le parvis de Saint-Martin et devant la mairie de l'époque.
(Col. Maryse Chabanier)
Un
vin d'honneur est servi; là, nouveaux discours; une adresse est envoyée
sur l'heure au commandant Marchand, puis défilent les nombreux invités
de la municipalité [...].
Pendant que les coupes s'élèvent en l'honneur du héros, la
"Philharmonique" dirigée par M. Desmoulins se fait entendre et M. le
Maire offre au capitaine Germain un objet d'art en bronze : "Pro
patria".
Les
heures s'écoulent et Germain veut rejoindre les siens; le cortège se
reforme et les acclamations recommencent. La rue des Sœurs est ornée
avec profusion; au milieu s'élève un arc de triomphe monumental, il est
décoré de gymnastes qui saluent au passage; c'est original et gracieux.
Place de la République, trois jeunes filles vêtues de bleu, de blanc et
de rouge, offrent des fleurs et disent un compliment auquel le capitaine
répond par quelques mots gracieux, et le défilé triomphal se continue
jusque chez M. Soumet, beau-frère de Germain.
Le soir, sur la Guierle, brillante illumination où se détache le nom de Fachoda; concert par la musique du 14e et la "Lyre briviste", feu d'artifice; vers onze heures, retraite aux flambeaux, et les brivistes vont prendre du repos, contents d'avoir pris part à cette fête de l'union et du patriotisme.
Le lendemain, le capitaine Germain rendit visite aux diverses autorités qui l'avaient si bien reçu la veille, et aux associations qui lui avaient offert des bouquets; il n'eut garde d'oublier le Petit Séminaire et les bons Frères de la route de Beynat et ici et là, il prononça des allocutions très goûtées et vivement applaudies. Après avoir fait remercier par la presse ses compatriotes pour le magnifique accueil dont ils l'avaient honoré, le capitaine Germain reprenait le chemin de la capitale.
4 - SON MARIAGE |
C'est tardivement, à l'âge de 39 ans, et 2 ans avant sa mort, que
Joseph Germain prendra épouse. Ce ne fut pas à Brive, mais à Paris 11°.
Voici un bref résumé de la cérémonie religieuse célébrée le 11 avril
1904, résumé publié dans "le journal des débats politiques et
littéraires" du 13 avril, consulté sur gallica.bnf.fr .
<=== Joseph Germain dans la revue Lemouzi de Janvier 1899, page 86
(Doc. gallica.bnf.fr).
"M.
l'abbé Moulay, aumônier de Saint-Louis des Invalides, a béni lundi,
dans cette église, le mariage de M. Germain, lieutenant-colonel
d'artillerie coloniale, et de Melle Marie Porcellaga, fille d'un ancien
notaire d'Alger. Les témoins étaient, pour le marié, le général
Lasserre, le commandant supérieur de l'artillerie coloniale, et le
colonel Marchand, assistant ainsi son ancien "second" de la mission
Congo-Nil, et ceux de la mariée, Me Garaud, conseiller à la Cour d'Alger, et Me
Joseph Ménars, avocat à la Cour d'appel de Paris. Dans l'assistance se
pressaient de nombreux officiers de toutes armes, les généraux Bollot,
ancien ministre de la guerre, Puel, Suscillon, Famen, Dods, Bailhond,
les commandants Baratier, Aubé, etc., etc".
La présence de tant de hauts gradés prouve la grande considération dont Joseph Germain faisait l'objet.
Il
nous a été très difficile de retrouver trace de l'acte de mariage du
couple à la mairie. En effet, il ne figure dans aucune des tables
décennales de la ville de Paris, un gros oubli sans doute. Plusieurs
généalogistes ont d'ailleurs renoncé à poursuivre leur enquête à ce sujet.
Grace à de nombreux recoupements, nous avons quand même réussi à le
dénicher : la cérémonie civile a eu lieu 2 jours avant la cérémonie
religieuse, soit le samedi 9 avril 1904, à la mairie du 11e
arrondissement de Paris où, avec l'autorisation du général commandant le
corps d'armée des troupes coloniales, il avait épousé Marie Joseph
Gabrielle Porcellaga, alors âgée d'un peu plus de 34 ans.
L'acte de mariage Germain/Porcellaga ===>
(Doc. Archives de Paris - cote 11M352, vue 13/31, acte 671)
(Cliquez sur l'image pour la rendre lisible)
De
ce mariage naîtra une petite fille, Marthe Henriette Louise, le 28
janvier
1906. Ce fut au domicile de ses parents, 114 rue Saint Dominique à Paris
7e. Quelques renseignements complémentaires figurent en mentions
marginales sur son acte de naissance :
- elle s'est mariée le 6 septembre 1928 à Paris 7e avec William Eugène Henri Schaufelberger;
- elle est décédée dans le même arrondissement le 9 octobre 1969.
5 - SON DÉCÈS ET SES OBSÈQUES |
"Les obsèques du lieutenant-colonel Germain ont été célébrées mercredi à dix heures à Paris, à Saint-Pierre du Gros-Caillou.
L'église Saint-Pierre du Gros-Caillou, rue Saint Dominique à Paris, en 1907.
(Doc. delcampe.net)
Les honneurs militaires étaient rendus par une compagnie du 103e
de ligne. Les cordons du poële étaient tenus par le colonel Lanfroy,
délégué du ministère de la guerre, le colonel Marchand, le colonel
Mangin et M. Joseph Ménard, conseiller municipal. Le deuil était conduit
par MM. Jules et Charles Soumet, beaux-frères du défunt.
Dans
l'assistance : généraux Brugère, Archinard, Gonce, Suscillon, Famin,
Moyon, Piel, Déjoux, Frey, Audéard, amiral Bienaimé, commandant
Baratier, etc.
Sur
le péristyle de l'église, un discours a été prononcé par le Général
Archinard et le corps a été ensuite déposé dans les caveaux [de l'église, avant d'être, six mois plus tard, transféré à Brive, NDLR]".
Son
inhumation à Brive a eu lieu le 15 janvier 1907 au cimetière de l'avenue
Thiers, dans un caveau à l'intersection des allées 52 et 46. Son
épouse Marie Porcellaga et une nièce (fille de sa sœur Joséphine qui
avait épousé Barthélémy Soumet) seront ultérieurement inhumées au même
endroit.
Les 3 plaques apposées sur le tombeau (clichés JPC - 29-5-2021)
L'hebdomadaire La Croix de la Corrèze, dans son numéro 710 du 20 janvier 1907 - AD19, cote 68Pr 9), raconte :
"Mardi
eut lieu le transfert des restes du lieutenant-colonel Germain,
officier de la Légion d'Honneur, le glorieux compagnon de Marchand dans
ses nombreuses campagnes coloniales, notamment dans la glorieuse
traversée d'Afrique qui devait se terminer à Fachoda [...].
Un
grand nombre de brivistes avaient répondu à l'appel de la famille et
l'avenue de la gare était couverte de monde venu pour prendre part au
cortège, tout au moins pour l'admirer.
En
tête s'avançaient les sociétés brivistes : une délégation des anciens
élèves du collège, la Lyre, la Gaillarde, la Phalange glorieuse, les
Vétérans, la Fraternelle des chemins de fer, le Souvenir Français, la
Société de Géographie, la fanfare Sainte-Cécile qui joue des marches
funèbres. Un char est couvert de couronnes, dont quelques unes
magnifiques. Trois draps mortuaires sont portés par les amis du défunt,
par des officiers de la garnison, enfin par le colonel Marchand, Joseph
Ménard, conseiller municipal de Paris, le commandant Aubi, officier
d'ordonnance du général Voyron, et le sous-intendant Cheyroux, délégué
du ministre de la guerre. Suit le clergé de Saint-Sernin. [...] Les cordons du poële sont tenus par le Colonel Peslin du 14e, M. Canone président du tribunal, M. Theaux, sous-préfet et M. Breuil, maire de Brive.
Sur tout le parcours de l'immense cortège la foule se presse, intéressée et respectueuse.
Le
corps est placé dans un caveau de famille.
Le tombeau du colonel Germain photographié ici fin 1909.
Couronnes, plantes et fleurs recouvrent le haut de la pierre tombale.
(Doc. La Dépêche coloniale illustrée du 15-3-1910/gallica.bnf.fr)
Après les dernières prières,
M. le docteur Bardon, président de l'association des anciens élèves du
collège, rend en excellents termes un hommage ému à l'ancien camarade.
Puis voici le colonel Marchand, en civil, sans la moindre décoration. De
taille au-dessus de la moyenne, mince, les traits amaigris, les cheveux
à peine grisonnants rejetés en arrière, d'attitude très simple, il
révèle à la fois une profonde modestie et un grand caractère. Le héro de
Fachoda, plus habitué aux faits d'armes qu'aux effets oratoires, parle
sans apprêt, mais avec émotion. Il rappelle que souvent, dans les
déserts de l'Afrique, les steppes de la Mandchourie, sur tous les points
du vieux continent où ils firent tant de campagnes côte à côte, son
camarade Germain lui avait dit qu'un jour ils viendraient ensemble à
Brive, pour y goûter les joies de la famille, y admirer le pays, y vivre
les mœurs aimables des habitants. Et voilà qu'il n'a pu qu'y ramener un
cadavre. Le colonel rappelle les qualités principales de Germain,
surtout sa bonne humeur qu'il garda jusque sur son lit de mort,
répondant à celui qui lui
annonçait sa fin prochaine : "Fichue corvée" ! Marchand dit avec émotion
un dernier adieu à Germain; il confie la dépouille de son fidèle
compagnon à la garde des brivistes, leur demande "d'apporter sur sa
tombe beaucoup de fleurs, symboles à la fois de souvenir et d'espérance."
Le
docteur Dubousquet, Président de la Société de géographie commerciale,
prendra ensuite la parole pour un long discours que nous vous épargnerons. Il terminera ainsi :
"Je
vous demande en terminant et avant de vous adresser le suprême au
revoir, mon vaillant et très regretté collègue, l'autorisation de
sceller sur votre tombeau une plaque de marbre offerte par vos amis et
vos collègues, portant cette inscription modeste comme vous l'avez été
vous-même :
MISSION MARCHAND DU CONGO-NIL
LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
A SON PRÉSIDENT D'HONNEUR
LE LIEUTENANT-COLONEL GERMAIN
Au revoir Germain."
"La
foule se retire émue par cette touchante cérémonie. Au passage, elle
s'incline devant la jeune veuve du colonel Germain qui a voulu
accompagner jusqu'à Brive, jusqu'au cimetière, l'époux que la mort lui a
ravi après deux ans de mariage, lui laissant une fillette de quelques
mois seulement."
Et La Croix termine son compte-rendu par une dernière information :
"-
On annonce qu'un groupe d'amis du colonel Germain se propose d'ouvrir
une souscription publique pour lui dresser un buste sur une place
publique. Le projet peut évidemment compter sur le concours de tous."
En
fait la pose de la plaque annoncée plus haut n'aura lieu que près de trois ans
plus tard, avec un libellé légèrement modifié. Le journal "La dépêche
coloniale illustrée" du 15 mars 1910 consulté sur gallica.bnf.fr nous en
rend compte. En voici un extrait.
"Dimanche
17 octobre 1909, a eu lieu à 2 heures du soir, la mise en place d'une
plaque commémorative au tombeau du regretté Lieutenant-colonel Germain.
Due au ciseau du marbrier sculpteur Honorat de Limoges, cette plaque de marbre porte l'inscription :
Dans
la plus stricte simplicité, la section corrézienne a procédé à cette
cérémonie en présence des membres de la famille, des amis personnels du
défunt et d'une délégation de la société de géographie. M. Bos,
président, chevalier de la Légion d'Honneur, administrateur de services
civils de l'Indo-Chine, a prononcé avec la plus vive émotion, le
discours [...] qui se terminera comme suit :
Que
cette modeste plaque scellée sur la tombe du Lieutenant-colonel Germain
apporte aux générations futures le témoignage de notre gratitude et de
notre admiration pour le cher disparu, en attendant que la ville de
Brive puisse lui élever un monument rappelant son énergie et ses
exploits pour l'agrandissement de la Patrie."
Notons en passant que Antoine Bos, qui fut maire de Brive de 1912 à 1919, sera par la suite l'un des 4 plus proches voisins de Joseph Germain, au cimetière Thiers.
Depuis sa mise en place en 1909, la plaque d'origine (photo un peu plus haut) a été remplacée par une semblable (photo de gauche ci-dessous); plusieurs détails, dont des différences de matière et de graphisme, nous en apportent la preuve. Cette dernière a fini par se desceller; elle a été posée verticalement juste au-dessus de son emplacement initial. Entre février et mai 2021 elle a été brisée, à la
suite d'un choc violent sur le N de Germain; il nous semble que l'accident est peu probable... Ses morceaux ont été éparpillés.
Quelqu'un cependant a semble-t-il tenté de les rassembler. Nous avons fini de la
reconstituer en juillet 2021 à partir de tous ses fragments, désormais disposés à plat.
(Cliché du 8 novembre 2016) (Cliché de la plaque brisée reconstituée le 4 juillet 2021)
(Clichés
JPC)
Emplacement de la plaque descellée posée verticalement. Emplacement de la plaque brisée posée à plat.
Le tombeau du colonel Germain, vue de face en novembre 2016 et juillet 2021.
6 - LE MONUMENT DU COLONEL GERMAIN |
Son
inauguration tant attendue, tant souhaitée, aura lieu sur la place
Thiers, dans sa partie constituant l'actuel square Germain Auboiroux, le
dimanche 26 juillet 1914. M. Jacquier, sous-secrétaire d’État à l'Intérieur présidait la cérémonie organisée dans le cadre des fêtes de Brive de 1914, au cours desquelles d'autres manifestation ont aussi eu lieu. C'est le compte-rendu publié par La Croix, dans son numéro 1102 du 2 août 1914 (AD19 - cote 68Pr 15) que nous vous
proposons. Son rédacteur n'est pas vraiment enthousiaste.
"M. Jacquier [...] arrivait dimanche matin à 9 heures. La gare de Brive a reçu l'ornementation habituelle. Sont là les personnages officiels : les sénateurs Bussière et Rouby, les députés Lachaud, Gouyon, Queuille et Vidalin, le préfet et les sous-préfets. Le maire de Brive, M. Bos, souhaite le bienvenue au sous-ministre et ces messieurs montent en voiture. Le cortège est précédé et flanqué d'une cinquantaine de gendarmes dont on remarque le nouveau casque - trop lourd parait-il. Le service d'ordre est parfaitement fait par M. le commandant Girard et ses auxiliaires. D'ailleurs pas un vivat, pas un cri.
On se rend à la sous-préfecture où ont lieu dans un ordre protocolaire impeccable les réceptions officielles. Le cortège se reforme à 10 heures et se rend à l'hospice. Là, M. Jacquier parcourt quelques salles, donne des poignées de mains, adresse quelques mots. [...]
On se rend ensuite place Thiers pour l'inauguration au monument Germain. Celui-ci est représenté en buste
dressé sur un [sic] stèle flanqué d'un tirailleur soudanais [NDLR : d'autres sources parlent d'un tirailleur sénégalais], de haute taille. Les traits du colonel Germain sont parfaitement reproduits, mais la vérité oblige à dire que les brivistes sont plutôt déçus par l'ensemble du monument. Ce grand nègre [sic] attire toute l'attention, et c'est à peine si de Germain se voit un buste trop minuscule perché sur une colonne trop mince.
Si l'on en croit la légende de cette carte postale d'époque, ===>
la statue (ou sa maquette),
œuvre du sculpteur Jean-Bernard Descomps,
aurait été exposée au préalable, en 1914, au Salon de Paris
de la Société des artistes français (Doc. delcampe.net).
En un discours très patriotique et de fort belle tenue, M. le docteur Priolo, président de la commission, offre le monument à la cité. M. Bos répond. Le général Mangin, M. Blondel et enfin M. Jacquier, prononcent des discours très applaudis.
On salue respectueusement Mme Germain, veuve du héros, qui assiste à la fête avec sa fillette, et aussi ses deux sœurs, Mesdames Soumet.
La Lyre briviste et les enfants des écoles exécutent une fort belle cantate composée pour la circonstance par M. Elie Breuil. [...]
Ce fut ensuite le banquet traditionnel, au collège, avec maints discours, et le concert de la Sainte Cécile, suivis de l'inauguration des bains-douches municipaux et de la salle de gymnastique voisine (l'actuel gymnase Lachaud).
Mais tout cela se fait vite, poursuit La Croix. On a de mauvaises nouvelles de la situation internationale. L'attention est ailleurs. Le ministre a hâte de partir. On l'accompagne au rapide de 4 heures et demi et il part sans incident.
La guerre de 14 approche !
Le quartier haut de la ville s’était bien préparé à la fête. La place Thiers notamment est fort bien aménagée. Après le départ du cortège officiel a lieu la fête populaire. Le clou est le départ d'un ballon [dénommé "L"Afrique équatoriale", NDLR], qui, malgré le vent assez violent, s'élève majestueusement vers cinq heures, monté par deux aéronautes. On apprend le lendemain qu'après un vol de quarante minutes, il a, sans accident, atterri à Argentat."
Il y aura aussi en cette fin d'après-midi et en soirée : batailles de fleurs et de confettis, illuminations, embrasement général du monument, bal champêtre, feux d'artifices, concerts, chorales, retraite surprise, ...
7 - LES DÉBOIRES DU MONUMENT GERMAIN |
Ils ont commencé dès la fin de l'année 1941. C'est l'époque où les allemands faisaient récupérer les statues faites de bronze ou de certains autres alliages pour les fondre et fabriquer des armes. Le tirailleur (qu'il soit soudanais ou sénégalais !) en fut une des premières victimes, le 15 novembre 1941, en même temps que la statue du docteur Majour et la plaque de Georges Lecherbonnier. Deux mois plus tard, le 21 janvier 1942, c'est le buste de Germain lui-même qui fut enlevé de son socle et condamné à être fondu.
Le tirailleur ne sera jamais remplacé. Par contre une copie du buste de Germain sera réinstallée à son emplacement d'origine le 14 juillet 1947. Elle sera inaugurée juste après la cérémonie traditionnelle au Monument de la Victoire. C'est le quotidien Brive Informations qui raconte brièvement dans son numéro 877 du 16 juillet 1947 (AD19 - cote 144 Pr 3) :
"[...] Une seconde cérémonie se déroule après, à quelques pas du monument de la Victoire, dans les jardins du square de la Poste.
Un buste en bronze, reproduction fidèle de celui qui a été enlevé par les Allemands, a été replacé sur le piédestal du monument Germain. Avec la cérémonial d'usage, le buste est découvert. Puis M. Rouel [Maire de Brive à l'époque] prend la parole. Il évoque dans quelles circonstances le monument a été amputé, puis rend hommage à notre compatriote le colonel Germain qui fut un grand colonisateur. Après avoir quitté l'estrade il vient saluer les représentants de la famille Germain présents à la cérémonie. Et ainsi prennent fin les manifestations de la matinée."
Les ennuis n'étaient pas terminés pour le buste de Germain : il sera volé au cours du mois de mai 1986.
C'est le quotidien La Montagne qui annonce la nouvelle (n° 22373 du 29-5-1986 - AD19 cote 182Pr 71). Après avoir rappelé l'historique de la statue, le journaliste écrit :
"Dimanche dernier, on s'apercevait avec stupeur que ce buste avait disparu. Envolé ce bloc de bronze, tandis que le socle lui-même avait été endommagé. On se perd en conjectures. Cet acte est-il le fait d'un amateur d'art, d'un collectionneur de gloires locales, d'un vandale ou d'un simple voleur qui, soit dit en passant aura bien du mal à "fourguer" cette marchandise encombrante, sauf à la réduire en lingots."
Le socle vide (en arrière-plan, le bureau de poste).
(Doc. La Montagne déjà citée)
Il sera retrouvé par un promeneur quelques mois plus tard, dans un bois (aux alentours de Bort les Orgues si nos souvenirs sont exacts, mais ce n'est pas sûr). Il sera alors mis en dépôt - et en sureté - au Musée Labenche.
Mais, après celui de Majour, on ne pouvait guère laisser indéfiniment un deuxième socle vide dans la ville. Les autorités compétentes ont donc décidé de le remettre à sa place d'origine. L'opération sera menée à bien en 1994.
sur son socle, square Germain Auboiroux.
(Doc. Archives municipales de Brive)
Une inauguration suivra le 24 juin 1994. La Montagne du 27 juin en publie une photographie légendée, accompagnée d'un court commentaire, dont voici un extrait :
"Il revenait au général Crouzillac d'accueillir, par quelques mots, le retour du colonel prodigue, toutefois toujours amputé de son tirailleur sénégalais qui, lui, a définitivement disparu. La moustache conquérante et virile, la mâchoire volontaire, le colonel devrait rester de bronze devant le rappel de ses hauts-faits qui l'ont curieusement mené de l'Afrique aux sous-bois moussus corréziens."
de plusieurs personnalités parmi lesquelles MM. Girot de Langlade, sous-préfet de Brive;
Charbonnel, Maire de Brive; Claudine Labrunie, conseiller général, et le délégué militaire départemental.
(Doc. La Montagne du 27-6-1994 - AD 19 cote 182Pr 168)
Ainsi se termine cette très longue - et cependant très incomplète - évocation du colonel Germain, en espérant que nos visiteurs auront eu le courage de la lire jusqu'au bout.
(15 juillet 2021)