PRÉAMBULE :
Avant même de débuter notre évocation, il semble utile de présenter brièvement le Félibrige : que recouvre ce terme, un peu oublié d'une majorité de la population ? De "Wikipédia" nous extrayons les renseignements suivants. Le Félibrige est une association déclarée selon la loi du 1er juillet 1901, qui œuvre dans un but de sauvegarde et de promotion de la langue, de la culture et de tout ce qui constitue l'identité des pays de langue d'oc. Il a été fondé au château de Font-Ségugne dans le Vaucluse, le 21 mai 1854, jour de la sainte Estelle, par sept poètes provençaux dont Frédéric Mistral. Son siège social est au Palais du Félibrige à Arles. Le Félibrige est présidé par le Capoulié et compte en son sein des adhérents de base, les félibres mainteneurs, et des félibres majoraux. Ces derniers, élus à vie, composent le consistoire qui est le gardien de la philosophie de l'association. Tous les sept ans, le Félibrige organise des joutes littéraires connues sous le nom de Grand Jo flourau setenàri. Le grand lauréat est nommé Maître en Gai-Savoir (Mèstre en Gai-Sabé) et choisit la reine du Félibrige, à fonction uniquement symbolique. |
C'est là que commence notre évocation de Marguerite Priolo (1890-1955). Elle fut en effet élue Reine du Félibrige, le 12 mai 1913. L'hebdomadaire "l'Illustration" (n° 3664 du 17-05-1913, consulté à la Médiathèque de Brive) raconte cette élection comme suit :
« Lundi dernier, dans l'antique capitale provençale, la cité d'Aix, que, pour son calme majestueux et ses vieux hôtels des dix-septième et dix-huitième siècles, on appela la Versailles du roi René, les poètes assemblés en cour d'amour aux États de Provence, présidés par Frédéric Mistral, ont procédé, comme tous les sept ans, à l'élection de leur nouvelle reine.
Le maire d'Aix en Provence recevant Frédéric Mistral dans la cour d'honneur de l'Hôtel de Ville (Doc. L'Illustration n° 3664)
De toutes les régions où le Félibrige étend son influence intellectuelle et morale, les félibres étaient accourus : du Languedoc, du Béarn, de Catalogne, du Velay, d'Auvergne, du Comtat, de Gascogne. Par un bien charmant privilège, ce fut le lauréat des Jeux Floraux pour 1913, un jeune poète de vingt-quatre ans, M. Bruno Durand, qui désigna la nouvelle reine du Félibrige, Melle Marguerite Priolo, une délicieuse jeune fille, déjà reine régionale du Limousin.
La jolie souveraine qui succède pour une période de sept ans à Melle Magali Baroncelli-Javon, est la fille du docteur Priolo, de Brive, le plus aimable des Mécènes d'Oc, et sa mère était encore, naguère, elle-même, la reine des Félibres limousins sur lesquels elle exerça pendant plus de 15 ans, la plus gracieuse royauté et qui ne lui permirent d'abdiquer le sceptre qu'à la condition de le transmettre à sa fille. »
Le site Internet "Conservatoire Documentaire et Culturel Frédéric Mistral" publie trois photographies prises à l'occasion de cette élection :
Le banquet précédent l'élection, le 12 mai 1913 : Marguerite Priolo est à la droite de Frédéric Mistral
La désignation de la Reine par le poète Bruno Durand
La photo de groupe officielle. De gauche à droite : Bruno DURAND, Magali de BARONCELLI (Reine sortante), Mme MISTRAL,
Frédéric MISTRAL, Marguerite PRIOLO nouvelle Reine du Félibrige, et Joseph d'ARBAUD
« Native de Brive, c'est dans sa région natale que son nom apparaît pour la première fois dans les journaux de l'époque. Elle devient en 1909, à dix-neuf ans, reine du Félibrige limousin et le restera jusqu'en 1913. Elle est par ses parents, étroitement liée dès son enfance au mouvement, son père, le docteur Priolo étant un important mécène des auteurs d'oc. Sa mère, fut par ailleurs elle aussi reine du félibrige limousin durant une quinzaine d'années.
Carte postale écrite par Marguerite Priolo,
alors qu'elle n'était encore que Reine du Félibrige Limousin
(Col. M. C.)
C'est à l'occasion de la Sainte-Estelle de 1913 à Aix-en-Provence qu'elle est désignée reine du Félibrige par Bruno Durand, lauréat des Jeux Floraux. René Jouveau rapporte cependant dans son Histoire du Félibrige (Nîmes, Bene, 1971, p.448), que le choix final revint à Mistral, au détriment de Mlle Magali Joannon, sœur de Marcel Provence, ayant eu les préférences de Bruno Durand.
Marguerite Priolo devient à cette date et pour sept années, le visage du Félibrige, et reçoit pour insigne un rameau d'olivier en argent. Elle participe à ce titre aux divers fêtes et commémorations du mouvement, fréquemment aux côtés du capoulié, et préside également la cour d'amour "spectacle hérité des troubadours, où se mêlent danses, chants et poésies."
Ces événements sont abondamment relayés dans la presse régionale et occitane de l'époque. La jeune reine y figure fréquemment coiffée du barbichet, coiffe traditionnelle limousine, qu'elle quitte toutefois durant le conflit armé de 14-18, pour une tenue d'infirmière, lorsqu'elle s'engage aux côtés de la Croix Rouge de Brive.
Parmi les différentes commémorations auxquelles la reine du Félibrige est alors conviée, notons sa présente à Avignon, à l'occasion de la Sainte-Estelle de 1914. Elle dévoile alors ses qualités d'oratrice lors d'un échange avec le maire de la ville, M. Valayer, qui fut relaté dans la presse de l'époque. [...]
Ses ouvrages de contes, rédigés dans la langue du bas-Limousin et s'inspirant du patrimoine oral de sa région, Legendas Lemouzinas, sorti en 1915, et Countes del Meirilher (1916) lui vaudront les critiques positives de l'Almanach occitan de 1927 "deux volumes de prose, brillant résultat d'un fécond labeur intellectuel, comme parfait miroir d'un rare tempérament féminin" [...] dont les trop rares écrits continuent à souhait les pures traditions romanes" et sera salué en 1965 par le journal Lemozi à l'occasion d'un article sur Marguerite Genès, dont elle fut l'élève : "En effet dès sa parution, le livre Legendas Lemouzinas fut une révélation et opéra presque une révolution. Un style alerte, dru, flexible, épousant toutes les nuances de la pensée ou de la fantaisie venait de naître."(Lemouzi, numéro 15, 1965, p.281-282, Robert Joudoux).
En dépit de leur qualité reconnue, ces deux ouvrages ne furent pas par la suite ré-édités, mais leur auteur, décédée le 13 mars 1955 à Manzac-sur-Vern en Dordogne, membre du Félibrige limousin, participa localement à la diffusion et à la création en langue d'oc.»
Dés son élection de reine du Félibrige limousin, et après, lorsqu'elle fut élue « Reine des Reines », de nombreuses cartes postales lui ont été consacrées. En voici trois (1 et 3 : col. M. C. - 2 : Doc. delcampe.net):
Et en voici trois autres où elle apparaît en représentation dans d'autres régions de France, avant ou après son élection de Reine des Reines du Félibrige.
A gauche, elle est au centre, à Bourges en 1911. Ci-dessous, elle est en Provence avec les gardians. (Col. M. C.)
<=== Elle est ici à Saint-Rémy de Provence, le 6 septembre 1913, en compagnie de Frédéric Mistral (Doc. delcampe.net)l
Ajoutons qu'elle fut une ambassadrice de choix du Limousin, lors de la visite que fit le Président Poincaré en Corrèze en septembre 1913. C'est elle qui offrira des fleurs à Mme Poincaré lors de l'arrivée du couple présidentiel à la sous-préfecture de Brive. Lors du déjeuner officiel, elle est à la table de l'épouse du Président, avec le Maire de Brive, Mr Bos, et le ministre de l'intérieur, Mr Klotz. C'est au bras de ce dernier qu'elle repartira vers la sous-préfecture, avec le cortège officiel, après la fin des agapes. On la verra, après, au déjeuner de la presse. Plus tard elle se produira au théâtre de verdure en dansant et en interprétant de vieilles chansons limousines ou des poèmes de Léon Branchet. La presse raconte : «Et bon nombre [de bravos] étaient adressés à Melle Priolo, si gracieuse dans son costume si seyant, et qui s'est admirablement prodiguée dans ses divers rôles dramatiques, lyriques et chorégraphiques. La charmante reine du Félibrige suscite toujours l'enthousiasme ».
Sur la scène du théâtre de verdure, en compagnie de Mr Margerit (Doc. Archives municipales de Brive - cote 1S 19-200)
Et puis, alors que
les pièces de monnaie métalliques manquaient lors de la Grande
Guerre, l'Union Commerciale de Brive, qui allait devenir la Chambre
de Commerce, édita en 1917 des monnaies de remplacement, en carton,
dites monnaies de nécessité. C'est l'effigie de
Marguerite Priolo qui fut choisie pour illustrer le recto de ces
nouveaux moyens de paiement. L'examen du profil de la personne
représentée ne laisse vraiment aucun doute à ce sujet !
Pièces en carton de 10 centimes en haut, et de 5 centimes en bas (Doc. delcampe.net)
L'auteur du dessin n'est autre que le graveur, dessinateur, historien de l'art et critique d'art Edouard Gaillot, qui allait épouser son modèle quelques semaines plus tard, le 29 mars 1917 à Périgueux.
Pour terminer cette évocation, il ne nous reste qu'à écouter Melle Priolo chanter et raconter. Certes, nous somme très éloignés de ce que nous avons l'habitude d'entendre de nos jours à la radio, à la télévision, ou même lors des concerts de Brive Festival. "Gallica" nous restitue deux courts enregistrements datant de 1913. Et bien sûr, c'est en langue d'Oc, et ça crachote ! Voici les liens pour y accéder. Avec deux clics de plus aux bons endroits, vous serez dans l'ambiance de l'époque : CLICK1, CLICK2.
PLUS ENCORE : pour en savoir plus sur le Félibrige, cliquez sur le lien qui suit qui vous conduira sur la page correspondante de Wikipédia : CLICK. Pour en savoir plus sur Frédéric Mistral et sur l'élection de Marguerite Priolo, cliquez sur les liens suivants qui vous conduiront vers les pages des sites que nous avons consultés à ce sujet : CLICK1, CLICK2.
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