On le sait plus ou moins : avant de s'installer dans ses actuels locaux de Brive, l'école Bossuet a fonctionné de 1907 à 1933 à Lacabanne (ou Lacabane, ou encore La Cabane), sur le territoire de la commune de Cublac (Corrèze).
En préambule à l'illustration de ce long séjour, il nous faut évoquer les années qui l'ont précédé.
Nos renseignements sont essentiellement extraits du livre de l'abbé Louis Delcros "La chanson de nos pierres", édité par l'imprimerie Chastrusse-Praudel en 1937, et dont nous possédons un exemplaire. Nous avons aussi puisé dans un long article signé "X.", publié le 9 septembre 1928 dans le numéro 1825 de l'hebdomadaire La Croix de la Corrèze, sous le titre "Lacabanne et l’École Bossuet". Il ne serait d'ailleurs pas étonnant que ce dernier article, plus ancien dans le temps, soit déjà l’œuvre de l'abbé Delcros. On sait en effet qu'il avait l'habitude d'écrire dans La Croix, soit des articles non signés, soit sous le mystérieux pseudonyme de Flambeau. Il a par ailleurs été professeur à Bossuet, tant à Lacabanne qu'à Brive. Mais un autre auteur possible pourrait tout aussi bien être l'abbé Jean Germain Breton qui était supérieur de l'établissement au moment de son installation à Lacabanne.
Précisons qu'il ne nous a pas été donné de pouvoir vérifier ces sources.
La couverture du livre de l'abbé Delcros (Col. JPC)
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Le 24 mars 1825, un petit séminaire ouvrait ses portes à Brive, à l'initiative du curé de Saint Martin, l'abbé Antoine Duchassaing de Pranlat. Il fonctionnait dans une partie des locaux de l'ancien couvent des Clarisses, là où s'installa bien plus tard le Musée Ernest Rupin, et où l'on trouve aujourd'hui les Archives municipales. En 1829, les locaux devinrent insuffisants. Le Supérieur depuis juin 1827, l'abbé François Brunie, les céda à la ville qui y installa une école confiée aux Frères des écoles chrétiennes, et lui même transporta le séminaire à L'Hôtel de Labenche, qui venait d'être acheté, à titre personnel, par Mgr Mailhet de Vachères, l'évêque de Tulle. Un nouveau destin commençait pour Labenche...
Dès 1830, avec le soutien de son évêque, l'abbé Brunie fit des agrandissements en édifiant une vaste bâtisse en terrasse, qui s'allongeait presque jusqu'au boulevard. Il avait en effet besoin de beaucoup de place, parce qu'il y avait de nombreux élèves.Le petit séminaire à Labenche : quelques uns des professeurs, devant le cloître. (Col. JPC) ===>
Î Le petit séminaire à Labenche (Col. JPC) : à l'extrême gauche, une partie de la chapelle aujourd'hui disparue. Dans le fond, le bâtiment en terrasse construit à l'initiative de l'abbé Brunie. Il est aujourd'hui recouvert d'un toit.
La carte est datée de 1904.
Passons quelques décennies. Après le vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, le commissaire de police fit "crocheter" les portes de l'établissement au matin du 13 décembre 1906, et expulser les professeurs : le Petit Séminaire était resté là pendant plus de trois quarts de siècle. L'hôtel de Labenche fut ensuite dévolu à la ville qui lui donna diverses affectations.
Pourtant, écrit l'abbé Delcros, le Petit Séminaire ne voulait pas mourir. Puisqu'on ne pouvait le maintenir à Brive, son supérieur d'alors (depuis septembre 1884), l'abbé Breton chercha à le transférer ailleurs, aussi près que possible. C'est alors que se présenta l'occasion de Lacabanne, à 22 kilomètres de Brive, sur la commune de Cublac. Passons quelques décennies. Après le vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, le commissaire de police fit "crocheter" les portes de l'établissement au matin du 13 décembre 1906, et expulser les professeurs : le Petit Séminaire était resté là pendant plus de trois quarts de siècle. L'hôtel de Labenche fut ensuite dévolu à la ville qui lui donna diverses affectations.
Le château initial de La Cabane aurait, dit-on, été construit en 1669 et habité par les familles de Dalmay et de Malededent.
Là, plus tard, avait prospéré pendant 40 ans, jusqu'au début des années 1900, un établissement d'enseignement géré par les Frères Maristes. En 1904 ils en avaient été chassés. Les immenses bâtiments construits peu à peu au cours des temps avaient été mis en vente à bas prix au Tribunal de Brive par le gouvernement, en 1903. Un marchand de biens s'en était porté acquéreur. Bientôt embarrassé de son acquisition, il ne cherchait qu'à retirer au plus tôt quelques bénéfices de son opération. C'est alors que l'abbé Breton se proposa; pour concrétiser l'achat, il constitua une société immobilière au capital de 130 000 francs.
Une action de la Société Immobilière de Lacabanne (Doc. delcampe.net)
Une autre version existe : bien que chassés de Lacabanne, les frères Maristes auraient été encore propriétaires du domaine, et ce sont eux qui l'auraient cédé à la société immobilière de l'abbé Breton.
Quoiqu'il en soit, peu de temps après, l'affaire sera conclue, et le 6 octobre 1907, le Petit Séminaire de Brive put se transporter sur les hauteurs ensoleillées de Lacabanne, sous le nom d’École Bossuet.
Vue aérienne du village de Cublac. Tout au fond, au centre de l'image : Lacabanne.
(Doc. delcampe.net)
(Doc. delcampe.net)
L'abbé Delcros nous fait, sans complaisance, la description de l'environnement, au moment de l'installation :
" Le site est loin d'être commun. Au nord, le terrain s'élève encore jusqu'aux plateaux qui dominent Villac et Louignac, à travers des bois de châtaigniers qui ne rapportent plus grand chose, de hautes bruyères, voire des ajoncs et, par place, des fondrières : paysage triste l'hiver, mais très agréablement ombragé l'été; sol pénible entre tous dès qu'il est détrempé, à cause d'une argile maudite qui colle aux chaussures, et qui a maintes fois tari tout enthousiasme chez les élèves appelés à faire la traditionnelle promenade du "tour du diable". Au midi, par contre le spectacle est toujours ravissant : au loin, les Causses qu'on ne voit pas assez pour en deviner la nudité; et dans l'intervalle, la riante vallée de la Vézère, au milieu de laquelle Terrasson prend des airs de capitale avec son église imposante et ses maisons étagées dans le plus pittoresque des ensembles; au premier plan, Cublac tapi dans un nid de verdure à peine jauni trois mois de l'année. Tout cela ne fait peut-être pas de Lacabanne "le plus beau site de la Corrèze" que voulait voir M. Breton, mais cela suffit pour enchanter ceux qui apprécient le grand air, ceux qui aiment la nature, les vastes horizons, les crépuscules et les aurores".
Le paysage des alentours (Doc. delcampe.net)
Le même cliché de Lacabanne, en noir et blanc et colorisé (Doc. delcampe.net)
Après la guerre [celle de 1914/1918], raconte encore Louis Delcros, les élèves vinrent s'inscrire en nombre considérable; en 1923, il y avait 172 pensionnaires, tout ce que les bâtiments pouvaient loger. Mais cela ne dura guère : la difficulté des communications gênait beaucoup de familles qui tournèrent les yeux ailleurs et, dès 1924, les départs l'emportèrent sur les entrées. En décembre 1928, on ne comptait plus que 110 élèves. En 1931, on stabilisait enfin autour de 70; mais avec un nombre aussi réduit, l'établissement vivait difficilement, et plus d'un dans la région envisageait sa fin prochaine.
De jour en jour, un impérieux dilemme s'imposait davantage : des élèves ou la mort...
Vue d'ensemble des bâtiments (Doc. delcampe. net) La cour d'honneur et la chapelle à gauche
Vue du coté ouest (Doc. delcampe.net) L'école et ses dépendances
<=== Une allée du parc
Vue du coté ouest ===>
(Doc. delcampe.net)
(Doc. delcampe.net)
C'est de Brive que vint le salut. Brive avait laissé partir son Petit Séminaire; Brive, rappela l’École Bossuet. Après plusieurs projets avortés, un grand terrain put être acheté à bon compte grâce à la générosité de Madame Augustine Mage, l'épouse d'Ernest Rupin. Le 10 juillet 1932 eut lieu la pose solennelle de la première pierre de la nouvelle école briviste.
Mais la suite est une autre histoire, une histoire que vous évoquons brièvement dans un autre sujet : "Les grands travaux de Brive, dans les années 1930". C'est ici : CLICK.
Bossuet était quand même resté 26 années à Lacabanne.
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LACABANNE APRÈS LE DÉPART DE BOSSUET
Après le départ de Bossuet et son retour à Brive, le domaine fut revendu, pour rentrer à nouveau, dans le giron des frères Maristes. Dans une aile des bâtiments ils installèrent une de leurs "maisons provinciales" de la région "ouest", et ils y assurèrent la formation des leurs (juvénat, postulat, noviciat) , jusqu'en 1969 précise le site Internet de la mairie de Cublac.
Lacabanne : "Maison" des Frères Maristes de la Province de l'Ouest (Doc. delcampe.net)
Les Frères Maristes de Lacabanne, le 15 août 1949, à l'occasion d'une "prise d'habit" (Doc. delcampe.net).
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LACABANNE AUJOURD'HUI
Les Frères Maristes ayant quitté Lacabanne, le domaine fut ensuite complètement abandonné. Les bâtiments tombèrent en ruines et la nature y a maintenant totalement repris ses droits.
En voici quelques vues prises sur place, où l'on devine que le métier de reporter-photographe peut comporter des risques !
Vus de loin, les bâtiments de Lacabanne apparaissent encore comme majestueux... si l'on ne s'y attarde pas trop.
Après avoir garé la voiture sur le bord de la route, le chemin d'accès apparait, assez bien dégagé, il faut le reconnaître. Une courte marche nous amène face au bâtiment de gauche de la photographie précédente. L'impression n'est pas trop mauvaise : même si la réfection de la toiture remonte à pas mal de temps, il semble être encore hors d'eau. C'est certainement le dernier bâtiment ayant été occupé par les religieux. Mais tout est vieux, défraichi, triste, abandonné. Pour parfaire cette impression, de vieilles carcasses de voitures trainent dans la cour.
Après avoir garé la voiture sur le bord de la route, le chemin d'accès apparait, assez bien dégagé, il faut le reconnaître. Une courte marche nous amène face au bâtiment de gauche de la photographie précédente. L'impression n'est pas trop mauvaise : même si la réfection de la toiture remonte à pas mal de temps, il semble être encore hors d'eau. C'est certainement le dernier bâtiment ayant été occupé par les religieux. Mais tout est vieux, défraichi, triste, abandonné. Pour parfaire cette impression, de vieilles carcasses de voitures trainent dans la cour.
Quand on contourne cette première aile, par la droite ou par la gauche, tout change. Pas un seul bâtiment n'a conservé son toit. Les planchers se sont effondrés sur toute la hauteur des étages, et des pans entiers de murs se sont souvent transformés en une masse de gravats, informe sur le sol.
<=== L'envers du décor : nous sommes ici dans l'ancienne cour d'honneur, derrière le bâtiment central qui apparait un peu plus haut, sur la vue générale des constructions. Il ne reste que le pan de mur de façade, tout l'intérieur s'est écroulé !
Une vue intérieure d'un bâtiment, prise par une baie défoncée ===>
sans tenter d'y pénétrer, bien sûr !
Le bâtiment de la chapelle, ci-dessous, est dans le même état.
Vue intérieure, toujours par une baie ==>
Pourtant plusieurs de ses éléments mériteraient certainement d'être sauvés, comme son portail de pierre blanche et son tympan remarquablement sculpté et en excellent état; le travail serait titanesque, et pas sans danger, même pour une entreprise spécialisée disposant d'importants moyens techniques !
Mais aussi l’oculus ouvragé qui les surmonte et quelques vitraux encore intacts sur les cotés de la nef; on se demande comment ils ont pu échapper à l'anéantissement, et pour combien de temps encore.
(Cliquez sur les images pour les agrandir)
(Clichés J-P. C. - 16 mars 2017)
Nous avons découvert sur Internet (ici : CLICK) une information que nous n'avons pas vérifiée : l'orgue de la chapelle de Lacabanne aurait été racheté en 1971 par la paroisse de Beaulieu (19). Voici le texte publié sur le site "Orgues de France" :
"Orgue construit en 1878/1879 par Puget pour la communauté des frères maristes de Notre-Dame-de-la-Cabanne à Cublac, racheté par la paroisse de Beaulieu en 1971, installé par Robert Chauvin en 1973 qui reconstruit le buffet et la partie instrumentale à partir d'éléments de Puget".
"Orgue construit en 1878/1879 par Puget pour la communauté des frères maristes de Notre-Dame-de-la-Cabanne à Cublac, racheté par la paroisse de Beaulieu en 1971, installé par Robert Chauvin en 1973 qui reconstruit le buffet et la partie instrumentale à partir d'éléments de Puget".
Et puis, on découvre quand même à Lacabanne une touche d'espoir. Il y a peu, séduit par le paysage, un citoyen belge a acquis une importante parcelle de terrain, non loin de l'entrée du domaine, là où s'élevaient les écuries de l'école. Elles n'étaient pas en trop mauvais état, les murs en particulier s'avéraient solides. Il a entrepris de rénover le vaste bâtiment de fond en comble pour y installer des gîtes haut de gamme, avec spa et piscine. Il réalise là un vrai travail d'artiste. De nombreux mois de travail intense sont encore nécessaires pour lui permettre d'arriver à ses fins. Après il ne restera plus qu'à défricher les alentours.
Si l'un de nos lecteurs a envie d'en faire autant, il resterait encore - parait-il - quelques 25 hectares de friches disponibles, avec des bâtiments historiques à vendre depuis des décennies. L'actuel propriétaire anglais sera heureux de lui céder le tout.
(1° Juillet 2017)
*
"BONUS"
UN PROJET POUR LACABANNE
Cliquez sur l'image pour la rendre lisible.
(Doc. La Montagne du 13 juillet 2017)(1° octobre 2017)
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NOS VISITEURS APPORTENT LEUR TÉMOIGNAGE !
Monsieur Brown qui nous a écrit le 2 août 2018 est le
"Managing Director" de la filiale française "REVIVE Ltd" de la
multinationale basée à Malte qui a fait l'acquisition du domaine de
Lacabanne. Voici son sympathique message dans son intégralité, en
français et en anglais.Cher Monsieur,
Merci pour votre article le plus informatif sur Notre Dame de la
Cabane.
Pour votre information, nous sommes maintenant les fiers propriétaires de
cette propriété incroyable et nous sommes impatients de faire revivre le
bâtiment et les terrains.
Meilleures salutations Dear sir,
Thank you for your most informative article on Notre Dame de la
Cabane.
For your information, we are now the proud owners of this incredible
property and are looking forward to reviving the building and grounds.
Best regards Graham
M. Brown Managing Director Il
a eu la gentillesse de nous faire parvenir une photographie
exceptionnelle du domaine, tel qu'il se présente actuellement, prise à
partir d'un drone. |