- Martin-Vincent Ribes, sculpteur briviste

                                                                                                                                      

Martin-Vincent, dit Vincent Ribes, entre parfaitement dans le cadre de notre rubrique qui concerne des personnages autrefois connus et reconnus dans la ville, mais aujourd'hui totalement oubliés.
Notre évocation, courte et très incomplète, aura deux points de départ.

(Doc. famille Martinot) ===>




N
ous partirons tout d'abord de cette petite boutique du 29 boulevard du Salan, en face du conservatoire de musique, aujourd'hui occupée  par un fleuriste.

Aux Fleurs du Soleil (Cliché JPC)

Le curieux qui s'approchera de plus près, remarquera sans doute ce cartouche au dessus de la porte, où subsiste l'inscription "Ribes", les autres, de part et d'autre, ayant disparu :

(Doc. M. V. qui a usé de ses connaissances en électricité pour faire disparaître les 2 spots lumineux
qui apparaissent encore sur le cliché précédent)


Il est sculpté dans le bois, mais aujourd'hui, malheureusement recouvert de peinture. Les plus anciens de nos visiteurs se souviendront peut-être de l'état ancien de la boutique qu'elle conserva longtemps après le décès de son propriétaire, en 1920.

(Cliché et collection Alain Chambaretaud +, tous droits réservés)

C'est là que travaillait Vincent Ribes, sculpteur de son état. Il habitait à l'arrière et au-dessus de la boutique, avec une entrée par la rue Sallès.

Outre le fronton de la boutique qui est toujours en place, les héritiers de Vincent Ribes ont conservé son panneau latéral droit, superbement sculpté :

(Doc. M. C./M. V.)

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Le deuxième point de départ pour évoquer Vincent Ribes est le livre écrit par Pierre Moulier, en 2009, après dix années de recherche : "Jean Ribes, un sculpteur "roman" dans le Cantal en 1900".

La couverture du livre de Pierre Moulier

L'auteur écrit en avant propos, au sujet de son ouvrage et de Jean Ribes :  ".... Un livre qui présente l'artiste, sa vie (du moins le peu que l'on en sait), et son œuvre, mais qui d'abord, et pour la première fois, identifie clairement ce "Jean Ribes", artiste maudit en quelque façon, puisque voué à l’homonymie et à la concurrence mémorielle d'une ribambelle de Ribes menuisiers et sculpteurs, aussi méconnus que lui en vérité, mais dont l'impressionnante profusion ne pouvait qu'effrayer le chercheur".
Parmi d'autres, Pierre Moulier identifie avec précision, dans le Cantal, sept artisans menuisiers et/ou sculpteurs, issus d'une même souche Ribes, décidément vigoureuse. Et parmi eux, Martin-Vincent Ribes, l'un des frères du Jean qu'il étudie.
Il ajoute plus loin : "Martin-Vincent est le premier à disparaître des archives", ou encore "L'espace était trop largement occupé par son père, ses frères et ses oncles" et enfin "Martin-Vincent a vite quitté le Cantal pour s'installer à Brive où nous perdons sa trace..."
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Voilà donc nos deux pistes qui convergent vers le sculpteur briviste Vincent Ribes, et qui sont à l'origine du bref éclairage que nous vous livrons. Un peu de généalogie, pour commencer.

Vincent Ribes est né à Fontanges (15) le 22 janvier 1851, de Louis Ribes et Jeanne Dagot, tous deux également natifs de ce même village. Louis Ribes (1816-1909) était déjà sculpteur, le premier de la famille. Et il initiera ses fils à son art. De la jeunesse de Vincent, nous ne connaissons cependant rien.

(cliquez sur l'arbre pour l'agrandir)

Le 8 août 1874, il épouse à Fontanges Marie Andrieux (née à Saint-Paul de Salers (15) le 17 mars 1849). Ils auront une fille, Marie-Louise, née chez son grand-père maternel, à Saint-Martin-Valmeroux (15), le 3 novembre 1875. Mais quand nait Marie-Louise, Vincent a déjà quitté le Cantal pour s'installer à Brive. A peine arrivé, il adhère dès 1878 à la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze.
Marie Andrieux, son épouse, était décédée dans notre ville le 16 septembre 1877. Vingt ans plus tard, le 16 février 1898, sa fille Marie-Louise se marie à Brive avec Pierre Mayjonade, charcutier à Donzenac (19); c'est elle qui assurera la descendance de la famille. 
De nos jours la branche des descendants de Vincent Ribes à Donzenac est toujours bien représentée.

Devenu veuf, Vincent Ribes épouse à Donzenac, le 28 août 1878, Jeanne-Louise Borne, la fille du buraliste du village. Elle était née à Uzerche (19) le 11 avril 1852. Plusieurs enfants naîtront de cette union, Martial (décédé à l'âge de 1 an), Léon-Marcel (décédé à 14 ans), et Martial-Paul, qui sera le seul à survivre et à assurer la descendance de la branche briviste, toujours bien vivace de nos jours.
Quant à Vincent lui-même, il décèdera à Brive le 29 décembre 1920.
 
(cliquez sur l'arbre pour l'agrandir)

Vincent Ribes en famille, avec à sa droite son fils Léon-Marcel,
et à sa gauche, sa deuxième épouse Jeanne-Louise Borne et son fils cadet Martial-Paul  (Doc. famille Martinot)


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Il est temps maintenant de s'intéresser à l’œuvre de Vincent Ribes.
Pour faire revivre son frère Jean Ribes, Pierre Moulier a travaillé pendant 10 ans, nous l'avons dit, et il est un grand spécialiste du domaine. En ce qui concerne Vincent, notre recherche a duré 6 mois seulement, et nous n'avons aucune compétence particulière sur le sujet. Seule notre curiosité nous a guidée. Nos résultats sont donc fort modestes, mais ils permettent quand même de tirer Vincent de l'oubli.

L'érudit briviste François Lacoste (dit du Bouig), suivant les époques avocat à Brive ou juge au tribunal civil, mais également poète (1818-1903), séduit sans doute par le travail remarquable de Vincent Ribes, qui, dans la ville, n'est encore qu'un débutant dans le métier, ne peut s’empêcher d'évoquer l'artiste dans deux petits paragraphes, presque hors sujet si l'on s'en tient au titre de son ouvrage écrit en 1879 et publié en 1880/1881: "Causeries sur la littérature de Province". Il écrit  :
- "N'oublions pas l'ouvrier Ribes, sculpteur de vieux-neuf, ciseleur de coffrets et de pendules qui, tout d'abord, trouva les creux et les reliefs par intuition" (page 97);
- "RIBES Vincent, établi à Brive par ses ateliers et par son récent mariage, répend [sic] dans la Corrèze le goût des ameublements artistiques. Les plus jolis petits chefs-d’œuvre - de cheminée, de console ou d'étagères - sortent aussi de ses mains" (page 265).

La couverture de "Causeries sur la littérature de province"
(Doc. Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze)

Les auteurs de "Regards sur le passé de Brive" ajoutent en 1984 : "Approchez vous un instant de ces rinceaux délicatement ornés de chutes de feuillages, de grotesques, d'oiseaux et de chiens, et vous verrez comment sa boutique était le plus éloquent argument publicitaire de cet artisan de génie". Il est là question des deux panneaux latéraux de la vitrine. Voici les détails de celui de droite (2,10 X 0,54 m), déjà évoqué, conservé par les descendants de Vincent Ribes.





Le panneau droit de la vitrine
(détails)


(Clichés J-C. C.)






Haut                                                Bas










Vincent Ribes travaillait à la fois pour les particuliers et pour les églises. Nous avons eu la chance de pouvoir retrouver la trace de dix de ses œuvres. Dix seulement, que l'on peut de plus qualifier de mineures. Toutes sont issues de collections privées. Les voici.


Une cheminée à Donzenac : vue d'ensemble (au centre) et détails des piédroits (Clichés M. C.)



















 Un superbe coffret, finement ciselé : vue d'ensemble et détail du couvercle (clichés Ch. R.)

Baromètre (à gauche), et thermomètre (à droite)
(Clichés Brivenchères)


Tête de sanglier, elle aussi sculptée dans le bois (Cliché et col. M. C.)


 




























Une pendule murale :
- vue d'ensemble (Cliché Brivenchères)
- détail des sculptures (Cliché Ch. R.)
- la signature de l'artiste (Cliché Brivenchères)

A noter que le mécanisme d'horlogerie est de Monsieur Rivière, maître-horloger à Brive.


































Une deuxième pendule, dans le goût de l'époque :
vue d'ensemble et détails (Clichés Ch. R.).
- en haut, à droite, une illustration de la fable de La Fontaine Le Renard et la Cigogne;
- en dessous : un grotesque, dans le style que Vincent Ribes semblait particulièrement aimer.

Le mécanisme horloger a encore été fourni par
Monsieur Rivière.



















Deux tableaux, avec des chiens de chasse plus vrais que nature (Clichés Ch. R.)



 





























Un crucifix : vue d'ensemble et détails
(Clichés M. C.)

Une œuvre en instance de restauration chez un spécialiste qui doit remettre en état le bras droit du Christ.


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LES OUTILS DE VINCENT RIBES, POUR TRAVAILLER LE BOIS

Ciseaux à bois et gouges en tous genres et de toutes tailles, ils ont été sauvés d'un probable envoi à la déchetterie par un professionnel retraité, collectionneur, véritable amoureux du bois et de tout ce qui a trait à son travail. Il a patiemment nettoyé tous les outils  de Vincent Ribes. En voici une partie :

(Cliché M. C.)

Les manches, sans doute fabriqués par l'artiste, étaient gravés de l'initiale de son nom, et de son prénom :
R. VINCENT :

(Cliché M. C.)

Ici, sur la partie métallique apparait une gravure, la marque du fabricant anglais de l'outil : S.J. ADDIS/LONDON, précédée d'un compas et d'une équerre entrecroisés (un symbole qui a par ailleurs plusieurs autres significations en France). A noter que cette marque et son symbole avaient été repris, après le décès du propriétaire en 1871 par le fabricant d'outillage Ward and Payne, installé à Sheffield, la ville britannique par excellence de l'acier de très haute qualité.

(Cliché M. C.)

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Aucun document, hors sa photographie, n'a été conservé sur Vincent Ribes par les descendants de ses deux familles. Selon la mémoire familiale qui s'est transmise de génération en génération, il apparait cependant qu'il aurait en outre sculpté la pierre sur de grands chantiers dans la ville de Brive :
- à la collégiale Saint Martin, peut-être au moment de la construction du porche, ou bien du portail sud et du nouveau clocher, ou encore lors de la reconstruction de l'absidiole axiale. Son frère Jean serait venu l'aider pour l'occasion;
- au théâtre municipal, lorsqu'il a été surélevé d'un étage en 1910/1912;
- lors de la construction de belles demeures de l'avenue de Bordeaux (dont certaines ont disparu), en particulier celle du numéro 30, à l'angle de la rue du colonel Bial;
Une hypothèse qui n'est pas pour surprendre Pierre Moulier. Lors d'échanges avec nous, celui-ci écrivait : "Tous les frères Ribes ont appris à sculpter la pierre aussi bien que le bois. Il me semble que Martin Vincent a pu travailler avec les architectes locaux pour des restaurations, notamment avec Louis Bonnay, de Brive, qui a beaucoup œuvré dans le Cantal. Je sais qu'il a travaillé avec Jean Ribes, chez nous. Il serait étonnant qu'il n'ait pas fait appel au frère de celui-ci à Brive".
Mais de cela nous n'avons aucune preuve.

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DERNIÈRE HEURE : FAISONS PARLER LE FRONTON !

C'est notre expert-maison M. V. qui va servir de médium. Il n'est pas seulement un électricien habile ! Il maîtrise de plus à la perfection un certain nombre de logiciels. En jouant sur quelques réglages, il a réussi à "faire parler" le fronton qui surplombait la vitrine de Vincent Ribes, celui-là même que nous avons présenté peint en blanc, au tout début de notre article.
Les résultats sont particulièrement spectaculaires. Qu'on en juge :

(Doc. M. V.)

Cliquez sur l'image pour l'agrandir, et vous arriverez à lire ce que les peintres, en dépit d'un ponçage appuyé, n'ont pas réussi à effacer :
- sur la gauche : "MEUBLES D'ART";
- sur la droite : "MEUBLES D’ÉGLISE".

En utilisant un autre réglage, le cartouche central - cerise sur le gâteau - révèle lui-aussi tous ses secrets :

(Doc. M. V.)

On peut maintenant lire : "RIBES Sculpteur". Le passé a été dévoilé !

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ÉPILOGUE


Christian Ribes, arrière petit-fils de Vincent Ribes et propriétaire du panneau droit de l'ancienne boutique du boulevard du Salan, a souhaité en faire don au Musée Labenche.
Maryse Chabanier a servi d'intermédiaire pour réaliser la donation et a fourni tous les éléments afin de constituer le dossier correspondant.

Le sujet a fait l'objet d'une délibération du conseil municipal du 20 mai 2015 et c'est à l'unanimité que les conseillers ont accepté le don. Le panneau a été livré à Labenche début juin 2015. En octobre de la même année, l'entrée du panneau dans les collections du Musée Labenche a été validée par la Commission scientifique interrégionale d'acquisition des Musées de France.
(Cliché J-C. C.) ===>

La suite, nous la trouvons dans le numéro d'Octobre 2016 du Magazine municipal Brive Mag' (cliquez sur l'image pour rendre le texte lisible) :


A la différence d'une publication imprimée, un article sur un site Internet peut toujours être modifié ou complété. Nous ne désespérons pas de trouver un jour des compléments d'information sur Vincent Ribes.
Et bien sûr nous sommes preneurs de tous détails que vous pourriez nous communiquer à son sujet, ainsi que de documents à son nom ou de photographies.



 
PLUS ENCORE !


¤ Pierre Moulier est Cantalien. Né en 1970, il vit et travaille à Saint-Flour où il enseigne la philosophie. Après avoir étudié la pensée et l'histoire médiévales à l'université de Lyon III et à la faculté catholique de Lyon, il consacre ses loisirs à l'histoire de l'art en Auvergne, et publie un inventaire des églises romanes du Cantal en trois volumes aux éditions Créer (1999-2001), puis un inventaire des croix de chemin et une monographie sur la basilique de Mauriac (2003 et 2006).
En 2004 il crée la revue "Patrimoine en Haute-Auvergne", véritable encyclopédie évolutive des richesses artistiques du département. Auteur de plusieurs articles de fond dans diverses revues savantes (histoire et ethnographie), ses centre d'intérêt sont l'art populaire et l'architecture rurale, tant religieuse que profane.

¤ Son livre sur Jean Ribes, aujourd'hui épuisé, a été édité en 2009 aux éditions Cantal Patrimoine. Il a fait l'objet d'une deuxième édition, complétée, en 2017.

¤ Martial-Paul Ribes, le seul fils de Martin-Vincent Ribes ayant survécu, est né à Brive le 9 juin 1886. Dans la grande
tradition de la famille, il s'initiera à la sculpture et travaillera avec son père. Le 28 septembre 1905, il contractera un engagement de 3 ans dans l'armée, à l'issue duquel il reprendra son travail de sculpteur : son acte de mariage en 1912 mentionne cette profession. Le 1° août 1914, il est rappelé à l'activité dans l'armée.  Le 29 mai 1916, il est très grièvement blessé d'un éclat d'obus, à Douaumont dans la Meuse. De très nombreuses plaies et fractures lui laisseront de graves séquelles, et entraîneront sa réforme (décision ministérielle du 23 mars 1917). Il ne lui sera alors plus possible d'exercer son métier de sculpteur. Il bénéficiera plus tard d'un emploi réservé et intègrera le Trésor Public, où il terminera sa carrière comme Inspecteur Central, et Receveur municipal. Il est décédé à Brive le 5 octobre 1970.
 
¤ Cette enquête a été conduite par Maryse Chabanier (M. C.), avec la participation de Christian Ribes (Ch. R.), Jean-Paul Cueille (JPC), Maryvonne Berthumeyrie des Archives municipales, Pierre Moulier, David Marmonier, Serge Serre, Jeanne Martinot, Jean-Pierre Martinot, Jean-Paul Delpy, Michel Vauzou (M. V.), Maître Gillardeau, Commissaire-priseur à Brive (Brivenchères), et Jean-Claude Chabanier (J-C. C.).



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