Voilà un titre qui devrait attiser la curiosité de nos visiteurs, et un sujet qui concerne toujours le patrimoine briviste.
Pour la deuxième fois seulement en 10 ans, nous allons, pour commencer, vous confier un souvenir de notre enfance, de notre pré-adolescence plus précisément. Çà remonte maintenant à plus de 60 ans, et oui !
A cette époque là, une de nos tantes avait déménagé pour s'installer au tout début de la rue Camille Desmoulins, dans une petite villa à l'aspect fort sympathique, ...... juste en face de l'ancien dépôt d'essence de Monsieur Desmaret.
Le jeudi était alors le jour où il n'y avait pas classe, et nous en profitions, de temps en temps, pour aller passer l'après-midi chez elle.
Parmi les distractions qui nous étaient proposées, il y avait les promenades à pied à partir de son domicile : direction le pont du chemin de fer tout proche. De l'autre coté, à l'angle sur la droite, il y avait une succursale des Économats du Centre avec sa devanture toute rouge. C'était la supérette de quartier de l'époque. En face du magasin, un garage, et derrière elle un quartier d'habitations s'était développé. Mais bien vite, de part et d'autre de la rue Camille Desmoulins, les maisons devenaient rares; on se trouvait dans un paysage tout à fait différent, à la campagne. Le ruisseau du Verdanson n'était pas encore recouvert à cet endroit. On passait pas très loin du dancing du même nom, connu dans toute la ville, et devant la scierie de Monsieur Eyrolles, fermée depuis longtemps aujourd'hui, et c'était à peu près tout.
Après avoir marché un bon peu, nous tournions à droite, en direction du village du Chastanet, sous un pont très étroit sur lequel passait le chemin de fer. Et, quelques 250 mètres plus loin, après la carrière, nous arrivions jusqu'à une colline, presque une falaise, percée de grottes sur son flanc : c'était le but de la sortie.
Vue d'ensemble des grottes du Chastanet (ou des anglais), à partir de la route (Cliché JPC - août 2020).
C'est maintenant que débute réellement le sujet du jour. Un court chemin de terre nous conduisait alors jusqu'aux grottes, et nous pouvions jouer en passant de l'une à l'autre, par l'intermédiaire d'une corniche étroite. La plus vaste, au centre, nous attirait particulièrement. C'est celle qui est partiellement cachée derrière le grand arbre.
Juste après l'entrée, en effet, une sculpture, traitée en bas relief, se laissait découvrir : l'Aigle et le Lion de notre titre, face à face, prêts à s'affronter.
Un face-à-face qui risque de s'envenimer !
La sculpture mesure approximativement 1,75 m. de largeur sur 1,30 m. de hauteur. Sa partie basse se trouve à 60 centimètres du sol, environ. Elle se trouve du côté intérieur de la portion de la muraille de façade cerclée de rouge sur la photographie qui suit.
Le préhistorien et archéologue briviste Philibert Lalande (1838 - 1925) a étudié cet ensemble de grottes, et bien d'autres autour de Brive, en France et de par le monde. Il fut en outre Secrétaire général, puis Vice-Président et Président de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze. Il était aussi photographe et ses clichés ont servi à éditer bon nombre de cartes postales qui ont conservé tout leur intérêt de nos jours.
Il a publié le résultat de ses observations sur les grottes brivistes dans le "Bulletin Monumental" de 1879 (pages 397 à 418), et plusieurs fois dans les années suivantes sous des formes à peu près semblables dans d'autres supports. Voici le paragraphe consacré aux grottes du Chastanet tel qu'il se présente dans son article "Les grottes artificielles des environs de Brive", que l'on peut lire dans le numéro 7 de janvier 1897 des "Mémoires de la Société de spéléologie" (Sources : Internet/Bibliothèque des Chartres).
" Au sud, et à 3 kilomètres de Brive, près du hameau de Chastanet, grottes dites des Anglais, comme au reste quelques autres; ce qui évoque évidemment le souvenir d'une occupation à une des époques les plus néfastes de notre histoire (NDLR : la guerre de 100 ans !). Au nombre de huit (principales), ces grottes sont disposées sur deux étages (NDLR : et ce que l'on peut appeler le rez-de-chaussée aussi).
La plus curieuse (NDLR : celle qui nous intéresse) se fait remarquer par une cinquantaine de niches en forme de gueule de four, ayant à la base 0,25 m. de largeur en moyenne et autant en profondeur. Elles sont creusées soit dans une des parois verticales, soit dans la partie horizontale d'un entablement ménagé dans le rocher.
Dessin publié par Philibert Lalande dans le Bulletin Monumental de 1879...
Quelle pouvait bien être la destination des petites niches ? Voudra-t-on les assimiler aux columbaria du caveau sépulcral des maisons romaines ? Elles sont bien exiguës et n'auraient pu recevoir que de très petites urnes funéraires; d'autant plus petites qu'il était d'usage d'en placer deux dans chaque niche. Après bien des hésitations nous avons pensé, M. Rupin et moi, qu'il pouvait s'agir ici d'un pigeonnier; le pigeon n'a-t-il pas été domestiqué à une époque fort ancienne ? Nous retrouverons des niches analogues, mais en très petit nombre, aux grottes de Bouquet.
Un obscur couloir cintré, creusé peut-être bien après coup, fait communiquer cette grotte avec une autre qui lui sert de vestibule.
La grotte principale et son vestibule sur la gauche, fermé d'une porte en bois et d'une clôture à claire-voie.
Le couloir cintré mentionné par Philibert Lalande, dans le sens montant (ci-dessus) et dans le sens descendant (ci-contre). Plus un escalier qu'un couloir, d'ailleurs !
Un trou ovale, pratiqué à une certaine hauteur, la mettait en communication avec une troisième chambre, creusée à un niveau plus élevé.
Ce trou est aujourd'hui fermé par un volet de bois (à droite), recouvert de graffitis datés de 1967.
La grotte qui se situe de l'autre coté est de petites dimensions.
Ronces, herbes et arbustes divers empêchent de rejoindre la corniche pour poursuivre les investigations.
La grotte aux niches est fermée sur le devant par un mur assez récent (NDLR : ce mur, qui apparait bien sur le cliché de Philibert Lalande présenté plus haut, n'existe plus de nos jours).
Une étroite corniche conduit aux chambres du second étage. Au rez-de-chaussée, autrement dit, à la base de la falaise, des appentis formant toitures ont dû s'appuyer au rocher, grâce aux trous carrés qu'on peut encore y remarquer".
Ainsi se termine le récit de Philibert Lalande. Le rédacteur de ce sujet vous imagine profondément déçus ! En effet, nulle part il n'a été question de notre Aigle et de notre Lion. Cela nous permet de formuler quelques hypothèses.
- ou bien le préhistorien n'a pas vu la sculpture, car elle est à contre-jour, dans un endroit sombre, que le mur de l'époque assombrissait encore plus : c'est très peu probable !
- ou bien il a jugé qu'elle était sans intérêt, dans sa réalisation ou en fonction de sa date de création : peu probable non plus, pour lui qui décrivait tous les petits détails.
- ou bien, c'est l'hypothèse que nous retiendrons, cette sculpture, remarquable à notre sens, n'existait pas encore du temps de Philibert Lalande. Ce qui permettrait de la dater, très approximativement : elle aurait ainsi été réalisée entre 1879 et ....... autour des années 1960, celles où, pour notre part, nous l'avons découverte ! ! !
Gros plan sur l'Aigle et le Lion.
(les prénoms gravés sur le flanc du lion - Violette et Yves - ne font pas partie de l’œuvre d'origine)
Vous avez vu dans ce sujet de nombreuses photographies couleur. Elles ont été prises par nos soins les 3 et 20 août 2020. Depuis nos années de jeunesse, nous n'étions pas retourné dans le quartier. Une demeure a maintenant été construite au milieu d'un grand parc, qui englobe les grottes. Les propriétaires nous ont accueilli de façon tout à fait conviviale et nous ont permis de prendre les photographies que nous voulions, en nous autorisant à les publier sur notre site.
Mais, rappelons-le, les Grottes du Chastanet ne sont pas publiques et ne se visitent pas.
Et si vous avez des informations supplémentaires sur l'Aigle et le Lion, n'hésitez pas à nous le faire savoir.
EN VRAC, QUELQUES AUTRES PHOTOGRAPHIES DES GROTTES DU CHASTANET
(18 septembre 2020)